L'épidémie de Covid-19 va-t-elle boucher la fenêtre de tir pour la 5G en France ? En raison du confinement, la procédure d'attribution des fréquences est d'ores et déjà décalée à juillet, voire septembre, a confirmé l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) il y a quelques jours.
Cela repousserait le lancement commercial de la 5G à la fin d'année, au mieux. Pour Martin Bouygues, c'est même trop tôt encore. La nouvelle donne économique et sanitaire le conduit ainsi à plaider, dans une tribune publiée ce week-end, pour un report de "quelques mois supplémentaires". Du "bon sens", estime le patron du conglomérat, qui n'y voit "aucun risque de déclassement" du pays au regard de la relative immaturité de la technologie.
Méfiance et finances
En revanche, Martin Bouygues perçoit plusieurs inconvénients à un décollage sous quelques mois. La "méfiance" suscitée par le réseau mobile de 5e génération nécessite de "prendre le temps de la pédagogie et de la conviction", d'une part. Le contexte économique ne rend en outre de tels investissement pertinents ni pour des ménages peu enclins à la dépense, ni pour l'aménagement numérique du territoire.
Interrogé aujourd'hui sur BFMTV, Didier Casas, directeur général adjoint de l'opérateur, appelle ainsi à "hiérarchiser" les urgences à la lumière des problèmes de connectivité rencontrées par les Français durant le confinement : "On leur dit, on va déployer la 5G dans les très grandes villes et vous verrez d'ici 2023-2024 il y aura des usages formidables ou on leur dit: 'on va répondre à cette question (...) qui est la question de la couverture'".
Enfin, s'empresser d'allumer la 5G n'aurait pas plus de sens pour les finances des opérateurs eux-mêmes, plaide le n°1 du groupe. En particulier pour ceux soumis aux incertitudes entourant les conditions d'utilisation des équipements Huawei. Une zone d'ombre qui ne s'est toujours pas dissipée pour Bouygues Telecom et SFR , toujours en attente du feu vert de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), rapporte Le Figaro. En cas de refus, la facture du déploiement de la 5G pour les deux opérateurs s'en verrait considérablement alourdie.
Malgré toutes ces réserves, pas question pour Bouygues Telecom de boycotter la procédure. Ce dernier "participera à la mise aux enchères des fréquences 5G quelle que soit la date retenue pour les organiser", confirme son président.
Le débat est lancé, le compte à rebours aussi
Tous les concurrents de Bouygues Telecom ne partagent pas sa vision. Iliad a ainsi insisté il y a quelques jours sur la nécessité au contraire, d'aller vite, sous peine d'affecter la compétitivité du pays. Les arguments de Martin Bouygues ont en revanche fait mouche auprès de Patrick Chaize. "Laissons du temps pour lever tous les doutes et apporter les réponses nécessaires", abonde ainsi le sénateur et président de l'association des collectivités pour le numérique (Avicca).
https://t.co/piB8wDlx1s Il est impératif que tous les doutes soient levés. Il est en effet impératif que la 5G puisse tenir toutes ses promesses sans suspicions pour l’utilisateur. Laissons du temps pour lever tous les doutes et apporter les réponses nécessaires.
— Patrick Chaize (@P_Chaize) May 23, 2020
"Tant que ce n'est pas fixé, c'est ouvert. Mais aujourd'hui les options principales c'est juillet ou septembre," a pour sa part réaffirmé à l'AFP Sébastien Soriano - la question sera tranchée "d'ici deux à trois semaines". Tout en s'étonnant de la méthode consistant à s'exprimer dans la presse plutôt que de formuler sa demande auprès du régulateur, le président de l'Arcep "partage" néanmoins la préoccupation de Martin Bouygues s'agissant du scepticisme entourant le futur réseau mobile. "Le 5G ne doit pas être vécue par nos concitoyens comme quelque chose de forcé, de poussé par un lobby contre l'intérêt des Français", mais doit être développée "comme un bien commun", a-t-il souligné.