Fumée blanche à Bruxelles mercredi matin : après des mois de discussions entre Etats-membres et parlementaires, sous l’égide de la Commission, un compromis a fini par émerger sur le texte du nouveau Code européen des communications électroniques. Ce, comme espéré, avant la fin du semestre, en prévision d’un fonctionnement au ralenti en amont du printemps électoral de 2019.
Les consommateurs mieux protégés
C’est l’un des axes de communication de la Commission : un certain nombre de règles inscrites dans le nouveau texte permettront d’harmoniser la protection des utilisateurs de services de communications électroniques. Et ce, point d’importance, qu’il s’agisse d’un fournisseur telco « traditionnel » ou d’un service de communication en ligne comme Skype, WhatsApp, Facebook Messenger entre autres.
Parmi ces avancées, Bruxelles met en avant la disponibilité d’un service universel d’accès à Internet, l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, la protection accrue des consommateurs souscrivant à des offres couplées, ou encore l’assouplissement des règles de portabilité. Le tout faisant encore l’objet de régimes bien différents à travers l’Union. Egalement au programme, la mise en place d’un système de 112 inversé pour les appels d’urgence, réclamé de longue date par de nombreux acteurs du secteur, ainsi que la possibilité d’utiliser les données issues des terminaux pour localiser un appel d’urgence.
Appels intra-UE : le Parlement va jusqu’au bout
La mesure-phare pour les consommateurs reste toutefois le plafonnement du prix des appels intra-Union européenne depuis le pays d’origine, à 19 centimes par minute et 6 centimes par SMS. Après la fin des frais de roaming, les eurodéputés, à l’initiative de cette disposition, accrochent à leur tableau de chasse une autre vache à lait des opérateurs. Qui, malgré la disparition des frais d’itinérance, dégageaient encore des marges plus que confortables sur les appels vers l’étranger.
Des prix jugés « disproportionnés » par l’association de consommateurs européenne BEUC, face auquel le Parlement européen entendait obtenir des « tarifs justifiés », nous indiquait il y a quelques mois Dita Charanzova, rapporteure de la Commission au marché intérieur, en pointe sur la mesure.
« Compromis politique »
L'affaire des appels internationaux n’a guère plu aux opérateurs, qui voient se profiler de nouveaux manques à gagner. Et n’hésitent pas, à quelques mois des élections européennes, à taxer les eurodéputés d’opportunisme politique. C’est ce que suggère le GSMA, le lobby mondial des opérateurs mobiles, qui soulève au passage la question de la conformité d'une telle mesure avec le droit européen.
Un coup qui masquerait, selon les lobbys défendant les grands telcos, un manque d'ambition sur d'autres dossiers cruciaux,. A l'image des orientations retenues sur le spectre, avec une issue jugée défavorable à l’investissement sur la 5G. Les fréquences attribuées sur 20 ans n’offrent pas suffisamment de visibilité, pestent notamment ses adhérents. Ceux-ci déplorent également une harmonisation seulement partielle du cadre d’attribution des fréquences dans l’UE, condamnée, dans ces conditions, à rester la 5e roue du carrosse de la 5G. Et ce malgré des dispositions prévoyant que les Vingt-Huit libéreront sans retard et de façon coordonnée les fréquences dédiées à la 5G (3,5 GHz et 26 Ghz) d’ici à 2020.
5G, fibre : « Occasion manquée » ?
Même tonalité chez l’ETNO, le lobby européen des opérateurs télécom, qui compte notamment Orange et SFR dans ses rangs. Une organisation fort marrie de la direction prise par les négociations sur la question des réseaux « très haute capacité ». La proposition initiale de la Commission lui avait fait miroiter un régime réglementaire assoupli dans le cadre de déploiement en co-investissement. Elle ne goûte guère la réintroduction, depuis, de dispositions visant à préserver la concurrence à long terme, au profit de plus petits opérateurs, et à réintroduire une couche de supervision au niveau supra-national (Commission et Berec, l'organe européen des régulateurs). L’Europe accouche ainsi d’un « compromis dilué et complexe » par rapport au texte initial, déplore l’ETNO : une « occasion manquée », selon elle, pour mettre le paquet sur la fibre et la 5G, afin d'atteindre les objectifs de connectivité définis par Bruxelles.
Encore du chemin
Le compromis a en revanche de quoi satisfaire les opérateurs alternatifs réunis au sein de l'ECTA (dont Bouygues et Free sont membres), forts inquiets de la mouture initiale. L’association reste malgré tout prudente face à ce texte qui doit encore être validé par le Parlement et les Etats membres, et reste soumis à l’interprétation des régulateurs et des législateurs nationaux chargés de le transposer dans le droit national. Autant d'étapes sur lesquelles les différents protagonistes comptent bien peser pour faire évoluer les textes dans une direction pro-investissement ou pro-concurrence.
La vigilance est ainsi de mise du côté de l’ELFA, l’association européenne des opérateurs de fibre locaux, néanmoins satisfaite que la fibre soit désormais l’étalon définissant les réseaux à très haute capacité, afin de supplanter définitivement le cuivre. Disposition qui, on s’en doute, ravit aussi le lobby des industriels de la fibre, le FttH Council. Ce dernier met l’accent sur l’indispensable équilibre à trouver sur un tel texte, et semble satisfait du résultat final, à même de créer un « environnement favorable pour tous les investisseurs - nouveaux comme traditionnels ».
Lire le communiqué de la Commission européenne sur le projet de Code Télécoms