Préemption, superposition, écrémage : trois travers observés par le régulateur dans les zones où les opérateurs d’infrastructure investissent sur leurs fonds propres pour déployer la fibre. Et auxquels il souhaite mettre le hola, afin d’assurer à la fois « la cohérence des déploiements et la couverture homogène des zones desservies ». L’Arcep s’appuie pour ce faire sur un projet de recommandation visant à préciser certains points réglementaires et clarifier le processus de consultation préalable aux déploiements.
Le projet de recommandation de l'Arcep est mis en consultation jusqu'au 15 mai. Il s'inscrit « en complément des engagements opposables que des opérateurs ont indiqué vouloir proposer au Gouvernement, de déploiement de la fibre en zones moins denses d'initiative privée », précise au passage l'Autorité.
Superposition : les inquiétudes de l’Arcep
Régulièrement mis en garde sur la nécessité d’accélérer le déploiement en zone moins dense d’initiative privée, Orange et SFR semblent aussi avoir intensifié leurs efforts dans la bataille du déploiement. Notamment en se positionnant sur les mêmes territoires, des « superpositions inefficaces », que le cadre réglementaire établi avait jusqu’ici réussi à prévenir. Las : à la fin du 3e trimestre 2017, l’Arcep dénombrait, sur la base des consultations préalables reçues, « plus de 1 700 zones arrière de point de mutualisation (regroupant plus de 650 000 locaux programmés) en superposition de réseaux préexistants ou en cours de déploiement dans les zones moins denses » (et 500 en poche de basse densité des zones très denses).
Exemple édifiant dans l’agglomération rennaise (ci-dessous), dont plus de la moitié des ZAPM sont convoitées à la fois par SFR et Orange. Des initiatives qui commencent à se matérialiser sur le terrain par la multiplication de PM doublés dans les communes alentour, comme ici dans la commune de Nouvoitou.
L’Autorité rappelle en outre les déploiements multiples opérés à la Réunion, la cacophonie en cours dans les Yvelines, ou les incursions d’Orange et SFR sur certains RIP (Vannes et Grand Est).
Etablir un point de référence pour les déploiements futurs
« Le fait que ces déploiements se fassent pour une part sans cohérence voir de manière superposée est susceptible de limiter l’efficacité de l’investissement et créer des situations dommageables tant pour les opérateurs co-investisseurs que pour les utilisateurs finals », rappelle le régulateur. Qui entend, pour prévenir ce type de situations, faire en sorte que les consultations préalables menées par un premier opérateur fasse « référence » en matière de contour de la ZAPM ou de localisation des PM. Des éléments qu’un deuxième opérateur d’infrastructure devrait alors « reprendre à son compte ».
12 mois pour convaincre
Dans le collimateur, également, les comportements relevant de la « préemption ». Concrètement, des consultations préalables au déploiement initiées par les opérateurs qui visent purement et simplement à dissuader les concurrents de venir s’implanter sur une zone. Tout en ne faisant courir le délai raisonnable de complétude qu’à la date de mise à disposition du point de mutualisation.
L’Arcep entend remettre les pendules à l’heure, en rappelant que ce sont bien ces consultations préalables, au cours desquelles sont arrêtées les Zone arrière de point de mutualisation, qui donnent le coup d’envoi des déploiements. En tous cas pour les ZAPM cible, c’est-à-dire les zones que l’opérateur souhaite équiper rapidement. L’Arcep souhaite ainsi que des « travaux tangibles de déploiement » puissent être observés dans les 12 mois suivant la fin de la consultation. Et ouvre le débat sur une 2e étape, qui consisterait à définir un seuil de couverture suffisant pour assurer une commercialisation.
Contre l’écrémage, conserver une taille critique
Enfin, l’Autorité veut éviter le phénomène d’écrémage, consistant à laisser de côté les parties les moins rentables d'un territoire. Pour y remédier, l’Autorité entend obliger les opérateurs à définir, en parallèle des ZAPM cibles où il entend déployer, des ZAPM « cohérentes potentielles » voisines d’une taille suffisante. 1 000 locaux (ou au moins 300 locaux « pouvant faire l’objet d’une offre de raccordement distant mutualisée en un point rassemblant au moins 1 000 locaux »), seuil critique en deçà duquel leur raccordement « ne serait ni économiquement ni techniquement possible pour un autre opérateur », rappelle le régulateur.