On sait désormais comment se dérouleront les enchères pour l'obtention des fréquences 5G. L'autorité de régulation des télécoms a dévoilé son projet de modalités et conditions d'attribution d'autorisations dans la bande 3,4-3,8 Ghz. Soit "la bande cœur" de la 5G, la première qui sera investie par les opérateurs lauréats dès l'an prochain.
Pour les pouvoirs publics, l'objectif est double : s'assurer que les opérateurs feront bon usage de ces fréquences, mais aussi approvisionner les caisses de l'Etat sans obérer les capacités d'investissement d'Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free.
Enchères 5G : une fusée à deux étages
Pour concilier ces impératifs, l'Arcep a opté pour un dispositif en deux, voire trois temps. Sur les 310 MHz à distribuer à l'échelle de la métropole pour une durée de 15 ans, un peu plus de la moitié seront attribués sans enchères, en contrepartie d'engagements dits "optionnels" (voir plus bas). Sous réserve d'y souscrire, chaque opérateur se verrait ainsi attribuer un premier bloc d'au moins 40 MHz à prix fixe, voire plus à l'issue de la consultation publique. Ce afin d'éviter une flambée des tarifs qui handicaperait par la suite le déploiement.
Une deuxième étape permettra aux candidats d'obtenir des blocs supplémentaires de 10 MHz, cette fois-ci dans le cadre d'enchères. L'idée étant à la fois de permettre aux opérateurs de "se différencier", précise l'Arcep. Et, éventuellement, d'obtenir des fréquences mêmes s'ils n'ont pas souhaité prendre part à la première phase d'attribution contre engagements optionnels. A l'issue de ces deux étapes, la quantité de fréquence qu'un lauréat pourra détenir sera limitée à 100 MHz.
Enfin, un troisième cycle d'enchères dites "de positionnement" permettra de déterminer l'emplacement des blocs de fréquences obtenus par les opérateurs dans la bande 3,4-3,8 Ghz.
Le prix des fréquences 5G connu en septembre
Au total, les pouvoirs publics espèrent que ce processus permettra de contenir les dépenses des opérateurs sur les fréquences. L'objectif étant d'éviter de reproduire les foires d'empoigne qui ont vu les opérateurs italiens, puis leurs homologues allemands, débourser pas moins de 6 milliards d'euros pour les fréquences 5G. Avec, désormais une inconnue sur leur capacités à être au rendez-vous en matière de couverture dans un délai satisfaisant.
Mais pas question, non plus, de brader ces fréquences. Un prix de réserve sera déterminé au début de l'automne, explique aujourd'hui Agnès Pannier-Runacher dans Les Echos. Ce sera "le plancher, pas la cible. Il faut qu'il soit ni trop bas ni trop haut", prévient la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie. "Nous avons bien sûr un objectif budgétaire, car les fréquences sont un bien public (...) mais, en même temps, nous avons un objectif de déploiement soutenu qui suppose que les opérateurs consacrent leur argent à l'investissement".
5G : des obligations fermes...
Reste encore à flécher lesdits investissements afin qu'Orange, SFR, Bouygues et Free délivrent la 5G dans des conditions correctes. L'Arcep définit pour ce faire un certain nombre d'obligations qui s'appliqueront à tous les détenteurs de fréquences dans la bande 3,5 GHz. Notamment en matière d'aménagement du territoire, un point sur lequel l'Autorité souligne son niveau d'exigence élevé comparé à ses homologues espagnol, britannique, italien et allemand.
Source: Arcep
Les lauréats devront ainsi respecter un calendrier de déploiement précis. Après un galop d'essai (au moins deux zones métropolitaines par opérateur avant fin 2020), les lauréats devront avoir déployé à fin 2022 3 000 sites en 3,4-3,8 GHz, puis 8 000 à fin 2024, 12 000 à fin 2025 et enfin la totalité du réseau à fin 2030. A moins qu'à cette échéance, ils ne soient mesure de fournir "un accès mobile permettant la fourniture de services différenciés équivalents à ceux fournis par la 5G" via la bande 3,5 Ghz ou d'autres bandes.
La couverture 5G devra donc être au rendez-vous, mais les débits aussi. En parallèle, l'Autorité de régulation définit en effet un niveau de service "au moins égal 240 Mb/s au niveau de chaque site" en 2030, à l'issue d'une trajectoire qui doit porter sur 75% des sites en 2022, 85% en 2024 et 90% en 2025. Sont également spécifiés des obligations de couverture pour les axes routiers. Sur les autoroutes, les opérateurs devront distiller 100 Mb/s minimum sur toutes les d'ici à fin 2025, et sur les routes principales, 50 Mb/s à fin 2025, puis 100 Mb/s à fin 2027.
Les opérateurs devront aussi veiller à ne pas laisser les zones rurales au bord du chemin, en apportant la 5G sur 20 à 25% des zones peu denses. La consultation de l'Arcep vise notamment à définir ce que sera exactement le périmètre cible de cette zone, mais précise d'ores et déjà qu'il s'agira avant tout d'y répondre aux besoins des acteurs économiques.
Les futurs opérateurs 5G devront aussi être en mesure de commercialiser, "au plus tard en 2023", des offres à services différenciés à destination des verticales (logistique, santé, automobile, médias)... C'est-à-dire des prestations-sur mesure rendues possible par la virtualisation des réseaux et le slicing, qui ne pourront véritablement émerger qu'arrimées à un cœur de réseau 5G. Une obligation que les opérateurs auront tout intérêt à respecter car c'est là, surtout, que réside pour eux le potentiel de monétisation de la 5G.
Enfin, l'Arcep précise que les titulaires des fréquences 5G seront tenus, à compter du 31 décembre 2020 de proposer un réseau compatible avec le protocole IPV6. Une exigence qui répond à l'épuisement des blocs d'adresse IPV4, annoncé pour juin 2020. "La transition vers IPv6 n’est plus une option, c’est une nécessité", avait rappelé l'Autorité dans son dernier rapport sur l'Etat de l'Internet en France.
...Et des engagements optionnels
C'est l'originalité de la démarche : attribuer un bloc de fréquences d'au moins 40 MHz sans enchères mais à prix fixe, en contrepartie d'une seconde salve d'obligations. Les opérateurs qui voudront saisir l'aubaine, devront donc, en plus des exigences énumérées plus haut :
- répondre aux demandes raisonnables de fourniture de service émanant des verticaux. Ce soit via leur propre réseau mobile, soit en en concédant l'utilisation sur une zone géographique limitée, au vertical ou à un opérateur tiers. Le tout dans des conditions commerciales dont l'Arcep se chargera de vérifier qu'elles seront "raisonnables".
- s'engager sur l'amélioration de la couverture mobile en intérieur, notamment pour les commerces et les entreprises, via des systèmes DAS ou des petites cellules, qu'il s'agisse de leur raccordement ou de leur mutualisation à plusieurs opérateurs.
- proposer une offre d'accès Internet fixe "notamment à partir de tout ou partie des sites utilisant les fréquences de la bande 3,4 - 3,8 GHz", et ce à compter du 31 décembre 2023. C'est le gouvernement qui sera chargé d'identifier les zones où cette offre 5G fixe sera disponible, l'opérateur devant exploiter "au maximum les capacités disponibles sur le site". Par ailleurs, dans les zones desservies en THD Radio jusqu'en 2026, l'opérateur s'engage à proposer après cette date un service équivalent, soit en propre, soit via une offre de gros.
- Faire œuvre de transparence en publiant les informations sur les futurs sites mis en service et les zones de couverture prévisionnelle, ainsi qu'en communicant quasiment en temps réel sur les pannes de réseau
- S'engager à accueillir sur son réseau les opérateurs virtuels (MVNO) afin de garantir "une concurrence effective et loyale entre les opérateurs"
Source: Arcep
Rendez-vous à la rentrée
Le projet de décision est dès à présent mis à consultation jusqu'au 4 septembre. Un texte définitif sera ensuite soumis au gouvernement "au cours des semaines suivantes", précise l'Arcep. L'objectif étant de "conduire l'attribution des fréquences à l'automne". Une fois muni de sa portion de spectre, chaque opérateur lauréat pourra amorcer ses déploiements, en vue d'une ouverture commerciale qui débutera l'an prochain, conformément à la feuille de route précédemment définie par le gouvernement.