18,396 millions exactement : c'est le nombre de logements raccordables en fibre optique recensés par l'Arcep à fin 2019. Soit 4,8 millions de plus en un an, là où, six mois auparavant, l'écosystème du Très Haut Débit se serait satisfait de 4 millions. Une accélération fulgurante que l'on doit en partie à Orange et SFR, lancés dans une course contre la montre pour tenir leurs engagements dans la zone AMII. Mais ce sont surtout les réseaux d'initiative publique (RIP) qui ont déjoué les pronostics grâce à un quatrième trimestre canon.
Zone AMII : dernière ligne droite pour Orange et SFR
Ils auront mis 10 ans à effectuer deux tiers du parcours, il ne leur reste qu'un an pour le dernier tiers. Dans les villes moyennes et secteurs périurbains (zones AMII) où ils sont chargés du déploiement, Orange et SFR ont pourtant enclenché la surmultipliée en 2019. Le premier a rendu raccordables 2,1 millions de locaux l'an dernier, contre 1,6 million l'année précédente. Quant au second, il a tout simplement doublé son total en déployant 700 000 nouvelles lignes en 2019.
Une montée en régime significative, mais encore insuffisante pour atteindre, d'ici à la fin de l'année, leurs engagements contraignants pris devant le gouvernement, rappelle l'Autorité de régulation. Pour y parvenir, les deux opérateurs devront encore muscler leur jeu, en déployant cette année 2,5 millions de lignes pour Orange, et 1 million pour SFR. Et ainsi tenir leur engagement de 92% de locaux raccordables à fin 2020.
Source : Arcep, Observatoire des services fixes HD et THD, abonnements et déploiement au T4 2019
Les RIP explosent les prévisions
Bien qu'encore en deçà de la trajectoire attendue, ces chiffres se révèlent légèrement supérieurs aux prévisions livrées il y a six mois dans l'Observatoire du Très Haut Débit. L'étude de l'Idate réalisée pour le compte d'InfraNum, la Banque des Territoires et l'Avicca, y anticipait en effet 8,9 millions de locaux raccordables en zone AMII, et 2019 s'achève sur 9,1 millions.
Mais c'est sur les réseaux d'initiative publique que les espérances ont été largement dépassées : 3,43 millions de locaux raccordables à fin 2019, là où le même observatoire en anticipait 3,07 millions. Le 4e trimestre 2019 et ses 560 000 nouvelles lignes sont en effet passés par là. A fin 2019, le compteur n'affichait certes que 20% du total de locaux raccordables en zone d'initiative publique. Mais le rythme s'installe. Si cette cadence est au minimum maintenue, le cap des 4,5 millions de lignes FttH en zone RIP devrait ainsi être franchi à avec six mois d'avance, dès la mi-2020.
Source : Observatoire du THD InfraNum / Banque des Territoires / Avicca, mai 2019
Une accélération plus homogène
Il y a certes derrière ces chiffres le poids de plusieurs projets phares, qui ont produit plus de 50 000 lignes l'an passé : Cap Fibre dans le Nord Pas-de-Calais (160 000 en 2019), Rosace et Losange dans le Grand-Est, ainsi que plusieurs RIP départementaux (Isère, Seine-et-Marne, Calvados, Loire, Oise). Des projets qui ne sont pas pour rien dans le tir groupé des opérateurs d'infrastructure au 4e trimestre : Altitude, Axione, Covage, Orange et SFR ont tous engrangé plus de 100 000 lignes supplémentaires sur les RIP qu'ils déploient et /ou exploitent.
Mais derrière ces locomotives, le fait marquant du 4e trimestre 2019 est la densification de la production : alors qu'au 3e trimestre, seuls 7 RIP avaient dépassé les 10 000 lignes supplémentaires, 23 d'entre eux ont franchi ce seuil au T4 2019. Et parmi les quelque 50 RIP comptant parmi les principaux pourvoyeurs de nouvelles lignes en zone rurale actuellement, une petite dizaine seulement ont décéléré au 4e trimestre.
On notera aussi le démarrage récent de plusieurs projets confiés à SFR (Gard, Corse, Var, Pyrénées-Atlantiques) ou Altitude Infrastructure (Aude, Haute-Garonne). Avec, à chaque fois, au moins 5 000 locaux raccordables supplémentaires. Voire beaucoup plus, à l'instar du réseau Wigard, qui signe un démarrage en fanfare avec 18 000 nouvelles lignes en un trimestre.
Des lignes à construire...
Ces performances sont d'autant plus remarquables qu'elles interviennent dans un contexte de tension persistante sur la main d'œuvre qualifiée, accrue par l'accélération simultanée (et tardive) d'Orange et SFR en zone AMII. Difficulté dont nous faisait part il y a peu Gwenegan Bui, vice-président de Mégalis, entre autres obstacles au déploiement de la fibre sur Bretagne THD. A en croire les chiffres de l'Arcep, le RIP breton serait d'ailleurs presque à l'arrêt, avec seulement 6 locaux raccordables de plus au 4e trimestre. Interrogé, le syndicat mixte nous confirme qu'il y a effectivement eu "peu de nouvelles prises commercialisées (une trentaine), mais environ 2 800 prises de construites uniquement de la Tranche 2 (ndlr : tranche 2 de la phase 1)".
Mais la Bretagne est loin d'être un cas isolé : mentionnons par exemple la trajectoire du RIP ALL' fibre (Aveyron, Lot, Lozère), documentée par ici, ou encore les difficultés du réseau Anjou Fibre, dont la presse s'est récemment fait l'écho. Nous pourrions aussi évoquer le cas du réseau public de Seine-Maritime, qui a produit au 4e trimestre ses 1 170 premières lignes. Loin de l'objectif initial, fixé à 70 000 à fin 2019, et réaffirmé il y a un an par les élus.
...mais aussi à raccorder
Reste que la rapidité d'exécution n'est pas l'alpha et l'oméga, et que l'accélération spectaculaire du déploiement constatée par ailleurs n'est pas forcément qu'une bonne nouvelle. Se pose en effet la question du raccordement effectif aux domiciles de ces abonnés potentiels de plus en plus nombreux. Un sujet de forte crispation entre fournisseurs d'accès, opérateurs d'infrastructure et collectivités délégantes, ces derniers estimant que la multiplication d'interventions tierces fait peser une menace sérieuse sur la pérennité de leurs réseaux...