Redressement fiscal, surenchère sur son offre, dénigrement de son réseau : Patrick Drahi, PDG d’Altice, la maison mère de Numericable, aura eu droit à toute la panoplie des attaques pour l’empêcher d’acquérir SFR. Sur le dernier point, les adversaires du câblo-opérateur font preuve de mauvaise foi. En effet Xavier Niel a déclaré dans Les Echos le 14 mars dernier, que le câble n’était « que du Canada Dry de fibre jusqu’à l’abonné. » Le patron de Free faisait référence au slogan de la publicité de ce soda : « Ça ressemble à l’alcool, c’est doré comme l’alcool… mais ce n’est pas de l’alcool ». Il a même enfoncé le clou en déclarant à propos de la technologie utilisée par Numericable : « Ce sont les fourreaux d’Orange plus une terminaison câble obsolète. Rien à voir avec les réseaux du futur ». Si le câble coaxial souffre (de moins en moins) d’une image ringarde tout droit sortie des années 80 et a laissé un mauvais souvenir à ses premiers utilisateurs notamment ceux de Noos, les temps ont changé et la réalité du terrain le prouve. Cette technologie dame le pion à l’ADSL et n’a pas grand-chose à envier à la fibre optique FTTH.
L'ADSL une technologie d'arrière garde
Techniquement, Numericable utilise le câble coaxial uniquement pour la partie terminale de la connexion vers l’abonné (entre le nœud optique et l’abonné), le reste du transport est assuré par de la fibre optique. C’est ce que l'on appelle du HFC (Hybrid Fiber Coax) de type FTTLA (Fiber To The Last Amplifier). Le câble coaxial est bien plus performant que la paire de cuivre Orange car c’est un câble blindé avec une section bien plus importante sans comparaison avec de simples fils de cuivre de 0,4 mm².
Concrètement, le câble fourni par Numericable dispose d’une bande passante de 1 GHz, soit 1000 MHz. A titre de comparaison l’ADSL2+ dispose d’une bande passante de 1,8 MHz et le VDSL2 de 12 MHz. La bande passante fournie aujourd’hui par le câble est de plusieurs gigabits par seconde.
Si on veut faire une comparaison simple avec le VDSL2 qui permet de faire passer environ 100 Mb/s dans une bande passante de 12 MHz, alors on pourrait faire passer 8,3 Gb/s dans les 1 GHz du câble coaxial.
Le câble peut atteindre les 1,2 Gb/s en débit descendant et 200 Mb/s en montant
Aujourd’hui, la norme utilisée sur le câble est le DOCSIS 3.0 ou dans notre cas EuroDOCSIS 3.0. Cette dernière permet d’atteindre des débits de 1,2 Gb/s en descendant et 200 Mb/s en montant avec 32 canaux (24+8). Aujourd’hui, Numericable propose des débits maximums de 200 Mb/s descendant et 20 Mb/s montant. Cette limite est à la fois commerciale et technique mais elle n'est en aucun cas liée à l’utilisation du câble coaxial comme tuyau d’acheminement des données.
Le câble : une autoroute pour la télévision
La norme EuroDOCSIS 3.0 permet des débits de plus de 50 Mb/s par canal de 8 MHz. Il n’y a pas de limitation dans le nombre de canaux que l’on peut agréger. Un canal est utilisé soit pour Internet et la VoIP, soit pour la TV. Chez Numericable, la TV occupe une bonne partie des canaux, car contrairement à la fibre ou l’ADSL, toutes les chaines sont diffusées en permanence vers tous les abonnés, c’est ce qu’on appelle le DVB (Digital Video Broadcasting), également utilisé pour la TNT. Un canal (ou multiplex) permet la diffusion de plusieurs chaînes simultanément.
En prenant en compte ces paramètres on peut affirmer que dès aujourd’hui, Numericable envoie plus d’1 Gb/s de données à ses clients.
Quel avenir pour le câble ?
La norme DOCSIS 3.1 sera en quelque sorte le VDSL2 du câble et permettra des débits jusqu’à 10 Gb/s !
Avec un potentiel actuel supérieur à 1 Gb/s et des évolutions prévues jusqu’à 10 Gb/s, le câble permettra des débits aussi importants que la fibre pendant au moins 2 décennies. D’ailleurs, Patrick Drahi s’est bien chargé de rappeler à ses détracteurs que « sans les investissements consentis sans relâche par Numericable pour déployer la fibre depuis 2005, la France serait classée aujourd’hui parmi les derniers pays d’Europe. » En effet, Numericable compte plus de 5,2 millions de prises en très haut débit.
Patrick Drahi est peut-être un redoutable homme d’affaires mais le réseau de Numericable est une belle machine bien huilée. On peut être certain que ses détracteurs seraient les premiers à se ruer dessus en cas d’échec du rachat de SFR par Numericable.