De la "généralisation de la fibre" au 100% fibre. En quelques mois, la sémantique a évolué au sein du gouvernement, que l'épisode de crise sanitaire semble avoir convaincu de changer de braquet. Une ambition incarnée par le plan de relance annoncé il y a quelques semaines, et que Cédric O est venu préciser lors de l'Université d'été du THD. Hier aux Sables d'Olonne, le secrétaire d'Etat au numérique a esquissé un chantier en trois temps : caler tous les territoires sur une trajectoire 100% fibre en 2025 au maximum, financer les raccordements les plus complexes, et enfin mettre en place un service universel de la fibre.
Vers une France vraiment 100% fibre
Les gouvernements successifs du quinquennat Macron avaient soufflé le chaud et plus souvent le froid sur cet objectif du 100% fibre. L'ambigüité est cette fois-ci bel et bien levée. Car Cédric O l'a martelé sur tous les tons hier : il s'agit bien d'apporter un accès à Internet en fibre optique à tous les Français d'ici cinq ans. Le plan de relance mis sur pied pour rebondir après la crise en offre l'opportunité, a expliqué hier le représentant du gouvernement.
D'abord en lui permettant d'inscrire 240 millions d'euros supplémentaires au budget pour soutenir les derniers projets de réseaux d'initiative publique non financés à date. Soit un total de 550 millions d'euros, destinés à accompagner une vingtaine de départements. Ceux dans lesquels la perspective de la fibre pour tous les habitants dépasse encore, pour l'instant, l'échéance fatidique de 2025. "Notre volonté c'est de rouvrir les négociations avec l'ensemble de ces collectivités et faire en sorte que tout le monde ait cet objectif de 100% fibre en 2025." Des arbitrages devront être trouvés dans les prochaines semaines avec les territoires concernés pour que "d'ici la fin de l'année", cet horizon commun soit "inscrit en engagements et en planifications", a précisé Cédric O.
Les raccordements complexes dans l'enveloppe ?
Une annonce évidemment accueillie positivement par les acteurs de l'écosystème THD. Après plusieurs années de mésentente avec le gouvernement sur ce dossier du financement, "on est en train de se trouver", réagit ainsi Ariel Turpin, délégué général de l'Avicca. L'association des villes et collectivités pour le numérique maintient certes son estimation des besoins à un niveau supérieur, aux alentours de 680 millions d'euros. Mais "on est dans l'épaisseur du trait", estime-t-elle à présent. Epaisseur qui correspond peu ou prou au coût des raccordements les plus complexes. Pour y faire face, l'enveloppe dégagée par le gouvernement risque d'être un peu juste, prédit l'Avicca, qui s'interroge déjà sur la nécessité d'un éventuel dispositif complémentaire.
"Il reste environ un million de lignes qui ne sont ni programmées ni financées, généralement pour de bonnes raisons : parce qu'elles sont particulièrement chères", explique Laurent Depommier-Cotton du côté de la Caisse des dépôts. Sa structure de financement, la Banque des Territoires, explore ainsi la piste d'"instruments financiers particulièrement attractifs" pour aider les collectivités à absorber ces probables dépenses. Le gouvernement entend en tous les cas s'atteler rapidement à cette question, avec le concours de l'Arcep, pour y apporter des éléments de réponse "d'ici la fin du 1er trimestre 2021", a laissé entendre Cédric O.
Sur les raccordements longs, "il n'y pas urgence aujourd'hui. Mais il faudra garder cela à l'esprit", estime pour sa part Ariel Turpin. Une question en suspens, sans être un point de friction : c'est aussi l'analyse d'InfraNum, co-organisateur de l'Université d'été du THD avec l'Avicca."On n'a peut-être pas toutes les réponses et les modalités, mais on s'en tient aujourd'hui à la volonté politique d'aller au bout", se félicite la fédération des industriels des infrastructures numériques. Déjà satisfaite de voir le gouvernement épouser enfin la cause du 100% fibre qu'elle défend "depuis trois ans" aux côtés des collectivités.
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Service universel de la fibre : pour finir le travail
Enfin, pour atteindre véritablement cette complétude, le gouvernement compte sur un outil supplémentaire : un service universel de la fibre. L'annonce en a été faite il y a quelques semaines, mais les contours de l'initiative ont été précisés hier. Là encore, Cédric O n'a pas fait dans l'équivoque : "L'objectif, il faut être très clair, c'est 100% fibre en 2025". Et pour y parvenir, il s'agira d'être en mesure d'équiper "les quelques endroits plus complexes et plus éloignés, qu'il faudra financer". C'est l'objet de ce service universel qui ambitionne d'instaurer un "droit au raccordement à horizon 2025", a précisé le secrétaire d'Etat.
L'idée n'a pas paru convaincre Stéphane Richard, présent aux Sables d'Olonne. En tout cas pas dans sa forme actuelle, en raison de la diversité des acteurs sur les réseaux fibre. "Il peut y avoir une mécanique de fonds financé par les opérateurs, pour tendre vers un standard défini qui serait une sorte de service universel, pourquoi pas", convient le PDG d'Orange. "Mais la mécanique actuelle, qui consiste pour le régulateur à désigner un opérateur du territoire comme en charge du service universel, je ne vois pas comment cela pourrait marcher".
Le patron du n°1 des télécoms français reste globalement dubitatif, du reste, face à l'ambition gouvernemental : "100% de fibre, ça n'arrivera jamais". Tout dépend bien sûr d'où l'on place le curseur. "On ne tirera pas la fibre jusqu'au dernier éperon rocheux", plaisante ainsi Cédric O, pour qui ce 100% porte loin néanmoins : il l'entend au même titre que le droit à bénéficier d'un raccordement à l'électricité ou au service d'eau. Une fois ce jalon posé, poursuit-il, "ce n'est pas possible qu'on n'arrive pas au 100% fibre, parce qu'un jour on va éteindre le cuivre". En effet, insiste le secrétaire d'Etat, le projet de service universel ne peut s'envisager que dans le cadre de l'extinction du réseau ADSL. "Je m'opposerai toujours à la fermeture du cuivre tant qu'on n'est pas certain que 100% des gens peuvent avoir la fibre dans une zone", affirme ainsi Cédric O. Si l'objectif du 100% fibre est tenu, les conditions seraient donc réunies pour une extinction du cuivre à compter de 2025 partout sur le territoire. Aux dernières nouvelles, son arrêt technique définitif est quant à lui toujours prévu par Orange pour 2030.