Dans un contexte d’interrogations sur le calendrier de déploiement de la fibre sur le réseau public Bretagne Très Haut Débit, les élus à la tête du syndicat mixte Mégalis Bretagne ont fait le point vendredi 16 mars sur l’avancement du projet. Le périmètre de la phase 2 vient d’être validé, et une nouveauté de taille introduite : l’évacuation – temporaire ? – de l’échéance de 2030 pour la complétude du réseau. Une date sur laquelle il devenait de plus en plus délicat de communiquer.
180 000 prises supplémentaires d’ici deux ans
Concernant les 2 premières étapes du déploiement, le calendrier ne bouge guère. En phase 1, 240 000 prises sont toujours prévues, avec un achèvement annoncé « au cours de l’année 2019 ». Ce qui déborderait donc légèrement du cadre initial (2018). Et laisse malgré tout peu de temps pour atteindre un objectif conséquent : 180 000 locaux à raccorder en deux ans maximum, quand seulement 60 000 l’ont été depuis le lancement du projet en 2014.
Est-ce jouable ? Oui, affirme Loïg Chesnais-Girard, pour qui l’industrialisation des process de déploiement permettra l’accélération nécessaire : « On sait qu’une machine industrielle bien huilée peut en faire environ 100 000 prises par an », assure-t-il. Sans oublier que les principales infrastructures du réseau sont quasi intégralement construites, renchérit Gwenegan Bui, vice-président de Mégalis, qui est ainsi en mesure de « garantir » le rythme de 90 000 prises par an en 2018-2019.
Et ne parlez surtout pas aux élus de retard spécifique à Mégalis : que les réseaux soient publics ou privés, les mêmes difficultés émergent, rappellent-ils. Et ce qu’il s’agisse de l’accès à la ressource matérielle ou humaine, ou encore des blocages liés au facteur humain : accès aux bâtiments ou absence d’élagage, par exemple.
Des AMEL pour accélérer ?
Reste aussi à régler la question de l’achèvement du réseau. A l’heure où de nombreux RIP en France multiplie les annonces de complétude FttH à horizon 2025, 2022 voire 2021, et où le gouvernement se hasarde parfois lui-même à parler de 100% fibre en 2025, difficile de continuer à afficher l’objectif de 2030 pour Bretagne THD. Le jalon problématique disparaît donc, remplacé par une initiative visant à accélérer le tempo. Ainsi, le travail sur la phase 3, initialement prévue pour 2024-2030, sera mené en parallèle du déploiement de phase 2 (400 000 prises sur 2019-2023), dont le périmètre vient d’être validé.
Le bureau du comité syndical a notamment reçu mandat pour « discuter » avec les opérateurs privés intéressés pour venir en renfort sur les zones prévues en phase 3, dans le cadre de l’appel à manifestations d’engagement locaux (AMEL) récemment mis sur pied par le gouvernement. Ambition : « ouvrir le débat » sur le recours à ce dispositif, là où Mégalis « n’a pas ou n’aura pas investi de manière significative, ni en phase 1 ni en phase 2 ». Car il s’agit aussi de s’assurer, insiste Loïg Chesnais-Girard, que ces nouveaux acteurs ne viennent pas déstabiliser le modèle du réseau public.
Le dispositif AMEL porterait, pour Bretagne THD, sur environ 200 000 prises sur les 600 000 prévues en phase 3. Les réponses des opérateurs sont attendues dès début juillet : un « calendrier serré », reconnaît le syndicat. En fonction des intentions affichées, ajoute-t-il, ce dernier affinera alors son projet et sera – peut-être – en mesure d’écourter son échéancier de déploiement.
Quid des objectifs nationaux ?
Au-delà du calendrier de phasage, reste la question de la desserte des Bretons en très haut débit. Mégalis se positionne sur un chiffre : à l’issue de la phase 2 (2023), le débit minimum de 8 Mb/s ne serait toujours pas accessible sur 5% des locaux. « Des solutions sont d’ores et déjà étudiées pour traiter ces situations », annonce le syndicat, et ce sans attendre 2023. Une approche qui interroge néanmoins sur la faisabilité des objectifs de 100% THD (30 Mb/s) en 2022 et 100% « bon haut débit » (8 Mb/s) en 2020.
Sur ce dernier jalon, Loïg Chesnais-Girard cingle : « On en sera pas à 8 Mb/s pour tous en 2020, ce serait mentir, sauf à ce que le gouvernement vienne nous expliquer comment il fait, et qu’il vienne nous aider à le faire tel qu’il l’a prévu ». Et les élus d’insister sur la pérennité du tout FttH, véritable projet de le long terme, contrairement aux solutions impliquant de « bricoler » des accès à 30 Mb/s. Le plan validé vendredi dernier prévoit ainsi que ce palier de débit ne serait disponible que sur 82% des foyers de la région à l'issue de la phase 2, en 2023.
30% de pénétration, un seul opérateur
Motif de satisfaction pour Mégalis, en revanche : le taux d’adoption de la fibre sur les prises déjà déployées. Aux alentours de 18 500 abonnés sur 60 000 locaux raccordés, soit un taux de transformation 30%. « Beaucoup mieux que prévu », se félicite-t-on au syndicat, dont le modèle économique n’en prévoyait que 11%.
Mais pour ces quelque 20 000 clients, pas d’autre solution pour l'instant que de souscrire une offre fournie par Orange, exploitant du réseau et pour l’instant seul à y proposer ses offres. Un monopole de fait sur un réseau à fort taux de transformation que les opérateurs concurrents ne pourront pas ignorer bien longtemps, prédisent les élus à la tête de Mégalis. Ne reste plus qu’à assurer un volume de prises un peu plus conséquent pour achever de les convaincre de venir sur Bretagne THD.