Alors que se profile la 4e conférence du Plan France THD ce lundi, les différents protagonistes du déploiement du très haut débit continuent d’assembler le mécano qui doit permettre à tous les Français de surfer à 30 Mb/s minimum d’ici à 2022. Ce grâce à la fibre, la 4G, voir le satellite dans les zones les plus isolées. Sur ces trois technologies, les annonces se sont succédé ces derniers jours.
Fibre optique : les opérateurs s’engagent enfin
Les quelque 13 millions de locaux qu’Orange et SFR s’étaient proposés de desservir en fibre optique sur leur fonds propres en zone moins dense focalisaient l’attention depuis plusieurs mois, pour ne pas dire années. Priés d’accélérer par les collectivités, l’Arcep, et finalement le gouvernement, les opérateurs ont fini par accepter le principe d’engagements contraignants sur le raccordement des foyers et entreprises de ce périmètre. Ils viennent ainsi de signifier officiellement au gouvernement leur engagement « à ce qu’environ 12,7 millions de locaux soient éligibles à une offre commerciale d’accès à la fibre optique d’ici la fin de l’année 2020 », indique un communiqué publié hier. Ce sur les zones correspondant au « périmètre des zones d’initiative privée telles que définies par l’appel à manifestation d’intérêt d’investissement (AMII) de 2011 ».
Une annonce dont on attend toujours de connaître les modalités précises et qui n'apporte finalement rien de neuf, à ceci près qu'elle acte l'application de sanctions en cas manquements. Les courriers des opérateurs sont en effet dans les mains de l’Arcep pour avis, sur lequel se fondera le gouvernement pour éventuellement accepter lesdits engagements. Ceux-ci deviendraient alors « juridiquement contraignants et donc passibles de sanctions en cas de non-respect. » Des pénalités qu’est venu, dans le même temps, préciser le projet de Loi Elan présenté mercredi.
Sur la fibre, rappelons que la semaine dernière, l’Arcep a mis en consultation un projet de recommandation « relative à la cohérence des déploiements des réseaux en fibre optique jusqu'à l'abonné ». Objectif : prévenir les comportements de préemption des zones à déployer, les superpositions inefficaces de réseaux ainsi que les risques d’écrémage. En particulier dans ces zones AMII, où, rappelle le communiqué ministériel, « l’acceptation éventuelle de ces engagements par le Gouvernement ne confère aucun droit préférentiel en matière de déploiement aux opérateurs qui les souscrivent ».
Au passage, ce document confirme qu’il n’est pas question, pour l’heure, de rouvrir les vannes du guichet THD pour les réseaux d’initiative public. Les ministères se bornent à réaffirmer le « financement complet » de l’enveloppe de 3,3 milliards d’euros initialement engagés par l’Etat, mais pas question de rallonge. Pour ces zones potentiellement reléguées en 2e ou 3e tranche des déploiements sur les Réseaux d'initiative publique (RIP), l’exécutif n’entend pas consentir la moindre dépense qu’il pourrait s’épargner, préférant « mobiliser de façon optimale les investissements privés » grâce à aux Appels à manifestation d’engagements locaux (AMEL).
Mobile : l’Arcep rebat les cartes des fréquences
Hier, le régulateur des télécoms a initié une autre consultation, sur le mobile cette fois. Il s’agit de soumettre à l’avis des acteurs du marché son projet de décision portant sur la réattribution des fréquences 900 MHz, 1 800 MHz et 2 100 MHz. Historiquement assignées à la 2G et la 3G, ces fréquences déjà partiellement réutilisées pour la 4G seraient à nouveau confiées aux opérateurs pour une durée de 10 ans.
Avec un changement de paradigme : le nerf de la guerre ici ne doit plus être l’argent reversé par les opérateurs à l’Etat mais l’amélioration de la couverture THD mobile et de la qualité de service. Autre ambition cruciale de ce projet de décision : « la mise en place de conditions d'accès équitable au spectre pour l'ensemble des sociétés intéressées ». Ce qui implique « la possibilité de nouvelles répartitions du spectre entre les lauréats notamment dans les bandes 900 et 2100 MHz », précise l’Arcep. Une redistribution des cartes qui pourrait profiter à Free, titulaire de 2 à 3 fois moins de fréquences que ses concurrents sur cette partie du spectre.
L'autorité de régulation esquisse à cette occasion le calendrier d'attribution de ces fréquences sur lesquelles les autorisations des opérateurs courent jusqu'en 2021, 2022 et 2024. La décision d'appel à candidatures sera adoptée en juin après analyse des contributions. Le ministre chargé des communication électroniques lancera ensuite les procédures d'attribution, qui doivent permettre de délivrer les autorisations au 4e trimestre 2018, dans la perspective d'une première mise à disposition en 2021 des fréquences ainsi réattribuées.
THD par satellite : Eutelsat et Orange finissent par s'entendre
Du nouveau, enfin, sur la desserte Internet fixe des locaux les plus isolés. Eutelsat a en effet annoncé la commande d’un nouveau système satellitaire, KONNECT VHTS, destiné entre autres au très haut débit fixe. Une initiative qui s’appuie sur des accords de distribution commerciale avec Thalès et Orange, lequel utilisera cette solution pour proposer des offres très haut débit fixe dans plusieurs pays européens.
Eutelsat n’a pourtant pas eu la partie facile pour embarquer l’opérateur historique dans ce projet, qui risquait de s’avérer extrêmement coûteux pour lui, avec des perspectives commerciales limitées. Programmée pour être mis en service en 2021, la solution proposée fera face à la concurrence de technologies alternatives (4G fixe, THD Radio) – théoriquement – bien installées, réduisant d’autant son espace commercial. L’option satellite devra aussi surmonter la mauvaise réputation que lui ont bâtie latence, enveloppes de données limitées et engorgement aux heures de pointe. Des inconvénients sur lesquels Eutelsat passe d’ailleurs un peu vite lorsqu’il promet que KONNECT VTHS apportera un « Internet très haut débit, offrant un service comparable à celui de la fibre, tant en termes de prix que de débits ».
Pas sûr que tout cela contribue véritablement à réduire la fracture numérique au final, mais du côté d’Orange, l’affaire est rondement menée. Comme le détaille La Tribune, en pointe sur le sujet, l’opérateur historique est finalement parvenu à négocier des conditions bien plus avantageuses – notamment en assurant une emprise européenne au projet – qui lui permettent de gagner sur les deux tableaux. C’est-à-dire s’assurer de la viabilité commerciale de l’initiative, tout en répondant aux exigences de l’exécutif en matière de desserte très haut débit des zones les plus reculées.