La division recherche de l’opérateur historique a dévoilé ses grandes orientations début décembre à Paris, puis en région, comme à l’Orange Labs de Rennes il y a quelques jours. Quelles sont les pistes explorées actuellement par les chercheurs d’Orange pour anticiper les usages numériques de demain ? Trois « révolutions profondes » sont anticipées :
- Un web des objets, qui dépasserait l’IoT en intégrant également au réseau les objets non connectés
- La maison sensible, une approche de la maison connectée sous intelligence artificielle qui entend mettre en avant le facteur humain
- La connectivité ambiante, qui vise à mettre sur pied un réseau 5G « flexible et intelligent » mais aussi « sécurisé et fiable » afin de répondre à l’ensemble des besoins et usages de demain.
Orange mise sur la recherche intégrative
Des défis que le groupe entend aborder dans une optique de « recherche intégrative ». Derrière ce terme, deux préoccupations : envisager les innovations dans leur globalité et dans leurs interactions avec les autres technologies, tout en menant une « conversation permanente avec la société » pour appréhender les enjeux de ces travaux.
Cette approche est matérialisée par trois plateformes de recherche : Thing’In (web des objets), Home’In (maison sensible) et Plug’In (connectivité). Sur les deux premières, des cas d’usages et des démonstrations nous ont été présentés sur le site rennais d’Orange Labs.
Thing’In : créer du lien entre les objets
Première ambition d’Orange : associer les objets non connectés à l’environnement IoT (Internet of Things) pour tisser un véritable « web des objets ». L’idée est de démultiplier les relations entre appareils connectés et objets « inertes » du monde physique afin de créer de nouvelles potentialités d’information et de services pour les utilisateurs, y compris à distance.
Un projet qui nécessite toutefois « regrouper tous les objets dans une base de données mondiale », explique Nicolas Demassieux, directeur de la recherche d’Orange. Et dont la consultation trouverait des applications très concrètes au quotidien. Par exemple, trouver une place dans un restaurant grâce à l’identification, à distance, d’une chaise libre dans un lieu donné, connaître avec précision l’emplacement d’un extincteur ou d’un défibrillateur en cas d’urgence, ou encore allumer un éclairage public à la demande sur le passage d’un particulier...
Référencement des éclairages publics autour de la tour d'Eiffel
Autre exemple proposé, dans une approche d'économie circulaire : connaître et maîtriser le cycle de vie d’un objet (vélo par exemple) pour y attacher des services innovants (traçabilité, réparation, occasion, recyclage…).
Aux différentes étapes de la vie d'un vélo, services associés et traçabilité
Des perspectives et des questions
Une ambition qui suppose un colossal travail d’indexation, de qualification et de catégorisation, sur le modèle de celui qu’ont fourni les moteurs de recherche pour référencer les pages web. Ce projet très ambitieux d’« indexation du monde physique » pose néanmoins plusieurs questions en matière de sécurité. Il suppose notamment l’ouverture d’un certain nombre de données, publiques ou privées, à l’opérateur – c’est le cas, par exemple, de la ville de Rennes, avec qui il collabore expérimentalement sur le transport urbain. Et l’ouverture de ces informations pose à son tour la question des droits d’accès une fois les objets identifiés.
Sur ce point, le patron de la recherche du groupe souligne le simple rôle d’« annuaire » dans lequel se cantonnerait Orange, la mission de gestion des droits incombant aux propriétaires des objets. Autant de paramètres auxquels les éventuels partenaires sont invités à réfléchir en commun dans le cadre de cette plate-forme, entre nouveaux usages à inventer et garantie de sécurité.
Home’In : la maison connectée sera-t-elle sensible ?
A domicile aussi, le groupe entend fédérer les différents acteurs du secteur pour concevoir le « chez-soi intelligent du futur » via sa plate-forme Home’In. Avec un maître-mot : la maison « sensible ». Illustration du concept devant un prototype de miroir connecté, présenté cette semaine au Mobile World Congress de Bracelone. Un objet capable d’adresser aux occupants d’une même maison des messages ciblés, en s’appuyant sur la reconnaissance faciale. Mais aussi, précise Nicolas Demassieux (ci-contre), d’adapter son discours en fonction de l’évolution de la situation : par exemple, de s’interrompre lorsqu’il délivre des informations confidentielles si une personne non « autorisée » se présente.
Autre cas d'usage : la faculté d’appréhender le contexte du foyer pour ne délivrer, dans une maison entièrement connectée, la réponse à une requête précise qu’à la personne qui l’a formulée. Ou comment rendre la maison non seulement intelligente mais « sensible » à l’environnement et aux caractéristiques de ses habitants.
Expérimentations in situ
Le défi n’est pas seulement technique, insiste le directeur de la recherche d’Orange : il implique aussi d’étudier de près, sous l’angle de la sociologie ou de l’anthropologie, la nature de nos comportements domestiques et de nos relations interpersonnelles dans ce contexte. Avec, toujours à l’esprit, les problématiques de la sécurité et de vie privée, afin que les apprentissages de l’intelligence artificielle ne sortent pas du foyer.
Autant d’aspects que les chercheurs d’Orange se proposent examinent in situ dans des maisons expérimentales – des « maisonas » reproduisant différents profils d’habitations. Un projet autour duquel, là aussi, la recherche du groupe entend rassembler une grande diversité d’acteurs : « constructeurs, développeurs, entrepreneurs, sociologues, anthropologues, designers… ». En promettant une architecture commune qui doit permettre « à chaque contributeur de travailler dans un environnement ouvert et interopérable ».
Les Gafa en ligne de mire
Avec cette approche « sensible », Orange tente de dépasser la perspective purement technologique de la maison connectée, telle qu’elle s’esquisse depuis quelques années avec les assistants domestiques des Gafa. Dans la droite ligne de la philosophie « Human Inside » déployée depuis deux ans, l’accent est ainsi mis sur le « bien-être » et sur des nouvelles technologies envisagées comme un « levier d’ouverture et de connexion à l’autre ».
Un discours qui devrait être au centre du lancement de sa propre enceinte connectée embarquant l’IA Djingo, annoncée pour l’automne prochain. En France, le terrain aura déjà été investi par les intelligences artificielles de la Silicon Valley (Alexa chez Amazon, Siri chez Apple, Google Assistant), souvent perçues comme des dispositifs intrusifs, pour ne pas dire des pompes à données personnelles. Reste à voir si cette communication sur la proximité, « l’empathie » et la sécurité permettra au groupe de faire valoir sa différence.