Rachat de SFR par Altice : l'Autorité de la Concurrence a ignoré les mises en garde de l'Arcep

Par Yann Daoulas modifié le 09/09/2020 à 16h30

Le gendarme de la concurrence a levé en octobre certaines obligations imposées à Altice suite au rachat de SFR. Ignorant sur plusieurs points les recommandations de l'Arcep.

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En octobre dernier, l'Autorité de la concurrence délestait Altice de plusieurs poids. Suite au rachat de SFR en 2014, le groupe de Patrick Drahi s'était en effet vu imposer un certain nombre d'obligations afin de préserver la concurrence sur les marchés de détail et de gros. Des engagements en grande partie levés cet automne, le gendarme jugeant que l'évolution de la situation dans l'écosystème télécoms ne les légitimait plus.

Le texte de la décision de l'Autorité n'avait toutefois pas été publié à cette occasion : c'est désormais chose faite. Plus intéressant encore : l'Arcep, consultée pour avis au printemps dernier, vient également de publier les préconisations qu'elle avait adressée à ses homologues de la Concurrence. Et force est de constater que sur plusieurs points, elles sont restées lettre morte.

Sur un aspect, les deux entités sont raccord : la disponibilité croissante du Très Haut Débit via la fibre optique jusqu'au domicile (FttH) a changé la donne sur le possible avantage concurrentiel qu'Altice pouvait retirer de son réseau câblé. Des questions qui "semblent être moins cruciales désormais", estimait l'Arcep en mai dernier. Il n'en va pas de même sur les autres points.

Contrat Faber (Bouygues Telecom/SFR)

S'agissant du contrat Faber liant Bouygues Telecom et SFR en zone très dense, l'Arcep avait invité l'Autorité de la concurrence à maintenir une surveillance effective de la mise en œuvre de l’accord par SFR. Y compris sur "le flux des immeubles restant à équiper". Jugeant que les intérêts des deux parties étaient désormais alignés sur les déploiements futurs, la rue de l'Echelle s'était malgré tout contentée de maintenir les injonctions sous astreintes censées compenser les manquements de SFR à ses obligations entre 2014 et 2017. Mais avait levé les engagements portant sur la suite des déploiements.

Fibre noire longue distance

Autre point sur lesquels l'Arcep n'a pas été entendue : les offres de collecte sur fibre noire (FON) longue distance. Pour le gendarme des télécoms, le poids d'Altice - SFR sur ce créneau et l'"absence d'offres substituables" justifiaient que l'opérateur maintienne ses engagements. "Il apparaît ainsi nécessaire que SFR-Numericable ne retire pas et ne dégrade pas cette offre tant que des solutions alternatives durables à l’offre FON de SFR-Numericable n’ont pas émergé à l’échelle nationale", résumait ainsi le régulateur des télécoms.

Son homologue de la concurrence estime pour sa part qu'Altice France "n'a plus la capacité de verrouiller" le marché. Et que les clients de cette offre, au regard de l'échéance de leurs contrats, "disposent  d’un laps de temps suffisant pour mettre en œuvre des mesures de nature à limiter les effets de l’opération de concentration initiale". Exit aussi cet engagement, donc.

Offre de gros activées sur BLOD

Sur le marché entreprises, enfin, l'Autorité de la concurrence s'est penchée sur un possible verrouillage par Altice du segment des offres de gros activées sur la Boucle locale optique dédiée (BLOD). Notamment pour "favoriser ses activités en aval, sur le marché des services de télécommunications entreprises". Risque que la rue de l'Echelle a écarté au niveau national au regard de la part de marché, du groupe inférieure au seuil critique à 30%. Et aussi au niveau local, dans les zones où Orange et SFR s'affrontent en duopole, constatant notamment "la baisse des prix des offres de gros sur BLOD d’Altice France".

L'arrivée d'une "concurrence potentielle" sur les offres de gros sur BLOD a également pesé dans la balance. Alors qu'une autre décision de l'Autorité de la Concurrence menaçait de le mettre à terre quelques semaines plus tôt, le fait que Kosc soit cité parmi ces alternatives ne manque pas de sel.

Quoi qu'il en soit, l'Arcep, là non plus, ne partageait pas l'avis de l'Autorité de la concurrence. Sur l'empreinte des réseaux SFR et Completel, le régulateur des télécoms a quant à lui estimé que le maintien par le groupe Altice était "hautement nécessaire pour garantir un niveau de concurrence suffisant sur les marchés de gros et de détail".

Impératif qui n'a donc pas été entendu par son homologue, visiblement pas calé sur la même longueur d'ondes ces derniers mois. En témoigne le récent rapport du Sénat dédié à la concurrence sur le marché entreprises. Ce travail mettait en lumière le manque de coordination des deux régulateurs sur, justement, le dossier Kosc. Les élus s'y étonnaient en particulier du choix de l'Autorité de la concurrence de ne pas saisir l'Arcep sur l'aspect technique et économique du dossier.

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