Mis à jour le 28 juin avec la réaction de l'Avicca
« L’Arcep salue les propositions d’engagements des opérateurs », annonçait hier le régulateur. Celles formulées par Orange et SFR en zone AMII – villes moyennes et périurbaines – afin de rendre 13,7 millions de locaux « éligibles à une offre commerciale en fibre optique », la leur ou celles des opérateurs co-investissant dans leur réseau. Une mission qui devra être remplie, pour l’essentiel, à horizon 2020. Avec, cette fois-ci, la perspective d’une véritable sanction pécuniaire en cas de manquement.
Fibre en zone AMII : 11,1 millions pour Orange, 2,5 millions pour SFR
Les propositions soumises par les deux opérateurs portent sur quelque 3 600 communes, qu’ils s’apprêtent donc à se répartir à hauteur de 2 978 et 11,1 millions de locaux pour Orange, et 641, soit 2,55 millions de locaux pour SFR. Comparé aux propositions initiales, le redécoupage a donc été revu en hausse en faveur du carré rouge, Orange acceptant de lui laisser le champ libre sur environ 1 million de lignes. De quoi satisfaire, au moins partiellement, les demande d’Altice en faveur d’une nouvelle répartition, tout en amenuisant le risque de doublonnement des réseaux en fibre optique.
Dans un communiqué publié aujourd’hui, Altice / SFR vient préciser la nouvelle ventilation de ces quelques 3 millions de locaux qui ne faisaient pas encore l’objet d’un accord entre les deux opérateurs : 1,83 million pour Orange sur 363 communes, 1,07 million pour SFR sur 291 communes.
Accélération requise
Notons au passage que les dernières propositions de SFR l’obligent à accélérer plus encore le rythme de ses déploiements : alors que la filiale d'Altice s’engageait au départ sur une tranche à fin 2020 et une autre à fin 2022, il part désormais sur l’intégralité des ces 2,5 millions de locaux raccordables à fin 2020. Ce qui suppose une montée en cadence rapide et franche, souligne le régulateur : 600 000 locaux par an en moyenne cette année et 900 000 les deux suivantes, soit le triple du rythme actuellement constaté en zone AMII.
Même recommandation pour Orange, qui devra, pour tenir ses engagements, raccorder en moyenne 3 millions de locaux par an dès 2018 et ce jusqu’en 2020, contre un tempo actuel de 1,7 à 1,8 million par an.
Soit 2,6 millions de lignes fibre à eux deux dès cette année, là où le premier trimestre n’a produit, tous opérateurs et toutes zones confondues, que 660 000 supplémentaires. La route est droite, mais la pente est forte…
Transparence locale
Au-delà de cette arithmétique nationale, il s’agit aussi d’obtenir d’ici six mois des deux opérateurs une matérialisation de ces engagements au niveau local, via la mise en place ou l’actualisation des Conventions de programmation et de suivi des déploiements (CPSD). Celles-ci devront détailler le calendrier pour chaque commune et les volumes prévisionnels sur l’ensemble de la convention, informations qui devront être transmises « dans leur détail et sans délai au Gouvernement et à l’Autorité ».
On ne connaîtra donc qu’au fil de l'eau les territoires concernés : pour une liste détaillée des communes relevant de l’un ou l’autre opérateur, encore une fois, on repassera. Au nom du secret des affaires, les avis de l’Arcep ont en effet été soigneusement expurgés des annexes et autres mentions permettant d’identifier les zones sur lesquelles s’engagent Orange et SFR. Sur ce point, l'Autorité renvoie la balle dans le camp du gouvernement, car c'est devant lui et non devant l'Arcep que les engagements sont pris.
Chasse aux loups
Au terme de ses deux avis, l’Arcep se félicite de la prise d’engagement opposables par Orange et SFR, qui « se complètent et s’inscrivent désormais dans une logique de cohérence entre réseaux mutualisés ». Non sans lister plusieurs points de vigilance. Un certain nombre de conditions et échappatoires avaient en effet été formulées par les deux opérateurs, dont les propositions initiales avaient été accueillies très fraîchement.
Parmi les loups débusqués par le régulateur, ces fameux 8% de locaux « raccordables sur demande » à fin 2020, pour lequel l’Arcep admet une certaine « flexibilité » au niveau local, tout en veillant à ce que « pour chaque commune, il ne s’écarte pas trop de la moyenne de 8 % ». Notons ici qu'Orange formule une échéance ferme pour du 100% raccordable (2022), mais pas SFR, qui reste pour autant lié par l'obligation de complétude sous 2 à 5 ans. « Le nouvel horizon risque d’être 2025 », déplore à cet égard l'Avicca. Par la voix de son président Patrick Chaize, l'association des collectivités ironise sur cette latitude laissée aux opérateurs en se disant aujourd'hui « à 92% très satisfaite » de l'accord .
L'Autorité constate en outre que la nouvelle répartition n’a pas « épuisé » les risques de superposition de réseaux avec d’autres opérateurs, et appelle Orange et SFR à œuvrer de concert avec ses équipes pour les éviter. Pas question, non plus, de s’abriter derrière le délai de 2 à 5 ans spécifié par l’Autorité pour assurer la complétude d’un point de mutualisation : l’échéance qui prévaudra, pour les ZAPM non encore déclarées, sera bien celle de 2020.
Egalement demandées aux deux opérateurs : des données à jour concernant leurs trajectoires de déploiement, qui s’appuient sur des données Insee obsolètes. Et dans le cas, d’Orange, restent peu lisibles car elles agglomèrent zones moins denses et zones très dense.
L’Arcep s’exprime enfin sur les clauses de sortie formulées par Orange et SFR. Ceux-ci pourront-ils se délier de leurs engagements en cas de modification des règles du jeu – et il y en aura forcément, avec le nouveau code européen des télécoms notamment ? « Il appartiendra au Gouvernement et à l’Arcep » d’en juger, tranche le régulateur. De même que sur les effets éventuels d’une pénurie de main d’œuvre ou de fibre, notamment brandie par Orange. Ce dernier ne pourra invoquer ces aléas pour se délier de ses engagements qu’à condition de transmettre « au Gouvernement et à l’Arcep les éléments de son scénario nominal, sur la base desquels un éventuel durcissement supplémentaire des conditions pourra être constaté par la suite ».
SFR : l'Arcep se cabre sur le câble
Jacques Mézard l’a annoncé hier à l’occasion du premier point d’étape trimestriel sur la couverture numérique : le gouvernement accepte les propositions des opérateurs, qui deviennent donc formellement contraignants et opposables. Au-delà des avis de l’Arcep, on ne connaît pas, à ce stade, l’intégralité des propositions finales qui ont reçu le feu vert du gouvernement, ni si les éléments supplémentaires réclamés par l’Autorité ont été effectivement communiqués.
Ce que l’on apprend, en revanche, c’est que SFR a profité de cet épisode épistolaire pour réclamer un assouplissement de l’accès aux copropriétés afin de pouvoir y moderniser le réseau câblé vertical en y installant sa propre fibre. De quoi enfoncer un sérieux coin dans le principe de mutualisation, sans que cette initiative soit de nature à accélérer le déploiement FttH, remarque le régulateur, puisqu’elle concernerait essentiellement les zones très denses, presque intégralement équipées. D’où la « très grande réserve » exprimée par le régulateur sur ces demandes, qui du reste « ne sauraient constituer des conditions de validité des engagements proposés ».
Une position attendue, qui n’empêche pas Altice de pousser l'idée sur un autre front : selon les informations du Figaro, le groupe serait en effet à la manœuvre pour faire inclure un amendement allant dans ce sens dans le projet de loi Elan. Le gouvernement y consentira-t-il ? Interrogé sur ce point hier, Julien Denormandie a paru botter en touche, se bornant à indique qu’il n’y avait « pas de tabou ». Nouveau psychodrame en perspective ?