Après avoir évité la liquidation, Kosc fourbit ses armes pour poursuivre durablement son activité. Placé en redressement judiciaire il y a quelques semaines, l'opérateur d'opérateurs pour le marché des télécoms d'entreprise vient de présenter un plan de continuation, adossé à Altitude Infrastructure. Ce dernier en deviendrait l'actionnaire majoritaire en injectant dans l'entreprise en difficulté 100 millions d'euros sur les cinq prochaines années.
La manne permettrait à Kosc de rééchelonner ses quelque 40 millions d'euros de dettes, d'investir et répondre aux commandes qui, son président Yann de Prince l'assure, se bousculent au portillon. L'objectif affiché est d'atteindre 80 à 100 millions d'euros de chiffre d'affaires sous deux ans. De quoi reléguer les turbulences des derniers mois au rang des mauvais souvenirs. Encore faut-il que le tribunal de commerce apporte sa bénédiction au projet, d'ici quelques jours.
La solution Altitude plaît aussi beaucoup à la filière et aux collectivités. Car elle permettrait d'éviter à Kosc le scénario d'une reprise par un poids lourd du secteur actif à la fois sur les marchés du gros et du détail. Avec le risque, en perdant cet acteur "wholesale only", de voir se verrouiller à nouveau un marché ultra-dominé par le duo (pole) Orange / SFR. La présence d'Altitude sur le marché du détail via sa marque Linkt ne passe pas inaperçue, néanmoins, surtout auprès de ses concurrents directs.
Pour InfraNum, "pas de plan B"
C'est le mantra de l'ensemble des soutiens de Kosc : permettre à cet acteur de développer le modèle d'opérateur de gros "neutre, ouvert et activé" ailleurs que sur les réseaux d'initiative publique où il a fait florès. C'est-à-dire sur les zones d'initiative privée, aujourd'hui chasse gardée d'Orange et SFR. Le 3e acteur né de la volonté du régulateur des télécoms pourrait ainsi continuer à proposer ses offres activées "au bénéfice de toute la communauté des opérateurs de proximité qui font l’animation concurrentielle et qui, aujourd’hui, ne peuvent pas faire d’offres sur fibre aux entreprises", résume InfraNum.
Une nécessité "impérieuse", poursuit la fédération des industriels des infrastructures du numérique, afin de permettre à la France de rattraper son retard sur l'animation du marché des télécoms professionnelles. Entre l'absorption par un "gros" du secteur - on a beaucoup parlé , par exemple, de Bouygues Telecom - et le projet de continuation avec l'appui d'Altitude, InfraNum ne fait pas mystère de sa préférence. "Il n'y aura pas de plan B" pour Kosc, prévient la Fédération, qui n'hésite pas à prendre franchement position pour la piste Altitude. "LA solution pour généraliser le modèle de réseau neutre, ouvert et activé", insiste-t-elle. "Son indépendance vis-à-vis des opérateurs intégrés, sa taille, sa solidité financière, son expérience dans la mise en œuvre d’un modèle identique à celui de Kosc et son offre de continuité d’activité" font d'Altitude "le meilleur candidat possible", écrit encore la fédération.
Le "oui, mais" des opérateurs alternatifs
Préserver le peu de concurrence en zone d'initiative privée : toujours bon à prendre pour l'Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA). Dont plusieurs adhérents se fournissent, du reste, auprès de Kosc pour disposer d'un accès FttH activé "dans près de 200 agglomérations françaises". Cependant, l'association rappelle que cela reste une sorte de pis-aller : ce qu'elle voudrait avant tout, c'est "un accès activé au réseau FttH d’Orange à l’échelle nationale", qui permettrait à ses adhérents de bénéficier d'une plus grande capillarité. Revendication inlassable qui ne rencontre pas plus de succès auprès du régulateur qu'auprès, récemment, de l'Autorité de la concurrence.
L'association dépasse malgré tout cette réserve de principe et "formule un soutien au projet d'Altitude Infrastructure". Mais n'en demeure pas moins vigilante. D'abord, sur les éventuels privilèges dont pourrait jouir Linkt, fournisseur B2B du groupe Altitude, auprès de Kosc si les deux viennent à cohabiter au sein du même groupe. L'association réclame ainsi "le maintien de la totale neutralité de Kosc vis-à-vis des acteurs de détail clients" ainsi qu'une "parfaite étanchéité vis-à-vis de la branche de détail B2B du groupe Altitude".
Par ailleurs, l'AOTA insiste sur "le maintien des conditions" proposées aux adhérents de l'AOTA clients de Kosc si ce dernier passe dans le giron d'Altitude. Un autre cheval de bataille de l'association, qui a déjà alerté par le passé sur l'impact économique pour ses adhérents des nouvelles donnes contractuelles occasionnées par les changements de pavillon.
L'Avicca espère une "bonne nouvelle"
Du côté des collectivités, on regarde aussi avec un œil bienveillant le montage présenté la semaine dernière. Bienveillant, mais prudent, tant que le Tribunal de Commerce n'aura pas rendu sa décision. "Enfin une bonne nouvelle ?", veut croire l'Avicca, tout en prévenant qu'il est "trop tôt pour se réjouir". Ce qui ne l'empêche pas de valider le profil de l'impétrant. L'Association de collectivités se montre moins sourcilleuse que l'AOTA, considérant que "la neutralité d’Altitude Infrastructure au regard des RIP qu’il exploite déjà depuis de nombreuses années n’est plus à démontrer".
Dans un communiqué publié ce matin, l'Avicca "se félicite de voir qu’un plan de continuation de l’activité a été déposé par Altitude Infrastructure avec le soutien du management de Kosc". Et surtout de voir, après les péripéties de l'automne, une seconde offert au modèle porté par Kosc. Celui d'un acteur privé actif uniquement sur le marché de gros ("wholesale only"), et à même de répliquer en zone d'initiative privée le modèle "neutre, ouvert et activé" éprouvé sur les RIP. Qui ne seraient ainsi plus les seuls à profiter d'une "ouverture durable de la concurrence sur le marché professionnel". Une préoccupation également formulée il y a peu par les députés Laure de la Raudière et Eric Bothorel dans leur dernier rapport sur la couverture numérique du territoire.
Collectivités, élus, industriels... Alors que la balance penche globalement en faveur du projet Kosc / Altitude, tout autre décision du tribunal de commerce risquerait fort de hérisser un écosystème déjà passablement tendu par six mois d'agitation sur le sujet des télécoms pro. Verdict : pas avant le 19 février.