La Fédération des industriels des RIP (FiRIP) et la Caisse des Dépôts, en partenariat avec l’Avicca et Idate Digiworld, ont présenté ce jeudi à l’OpenLab Huawei les résultats de l’Observatoire du Très Haut Débit 2018. Au programme, un bilan chiffré permettant d’appréhender plus précisément les progrès des déploiements et les perspectives du THD d’ici cinq ans. Cette année, l’exercice a été élargi à l’ensemble du territoire : Réseaux d’initiative publique, zones AMII et zones très denses, ce qui permet de saisir les enjeux des prochaines années dans leur globalité.
84% de couverture fibre en 2022
A cet égard, les industriels réunis au sein de la Firip annoncent la couleur, avec un objectif de 84% de couverture du territoire en fibre optique en 2022, au-delà de l’objectif officiel de 80% inscrit dans le plan France THD. Ce qui impliquerait donc de déployer 20 millions de prises sous 5 ans, après un effort de 10 millions entre 2012 et 2017. Et 4 millions dès cette année : alors que seulement 660 000 nouvelles prises ont été recensées au 1er trimestre, la marche paraît bien haute. « Un vrai challenge pour toute la filière », admettent les auteurs du rapport, avec un pic de production qui se profile déjà en 2019, à 4,6 millions de prises.
Plan THD cherche main d’œuvre
Une ambition qui se heurte pour le moment à d’énormes besoins de main-d’œuvre : de 12 000 en 2017, le nombre de professionnels affectés au déploiement de la fibre devra atteindre un pic de 28 000 en 2022. Avec d’ores et déjà 3 500 emplois supplémentaires à pourvoir l’année prochaine. L’heure est donc à la mobilisation générale : de la filière, des acteurs de l’emploi et de la formation mais aussi de l’Etat, à qui une implication plus affirmée est réclamée. Il s’agit notamment pour ce dernier d’« accompagner la filière avec une campagne de communication nationale afin de faire connaître les métiers de la fibre », peut-on lire dans l’Observatoire 2018.
Tensions sur la fibre, reports en vue ?
La pénurie de fibre, autre épouvantail du plan France THD, effraie moins. Comme lors du TRIP Avicca, on préfère parler ici de « tensions sur l’approvisionnement », susceptibles de perdurer jusqu’à fin 2019, préviennent les auteurs du rapport. Avec 20,7 millions de Km de fibre à dérouler cette année, et un pic à 23 millions l'an prochain. Tensions susceptibles d'affecter les petits territoires, moins bien préparés, plutôt que les grands opérateurs comme Orange ou SFR, qui planifient leurs approvisionnements à bien plus long terme.
D’où la nécessité de remettre en phase besoin locaux et capacités industrielles chez les câbliers. Une « montée en charge de la filière » devrait ainsi pouvoir s'opérer, moyennant un « léger étalement des déploiements » : un scénario dans lequel 5% des prises AMII et ZTD, ainsi que 10% des prises RIP, seraient ainsi reportées à l'après-2022. En d'autres termes, le sprint engagé, en particulier sur les zones AMII, et les besoins massifs qu'il engendre, risque de conduire à un dépassement des objectifs initiaux.
Pour offrir aux industriels de la fibre la visibilité nécessaire et les convaincre d'investir, l’observatoire THD plaide pour un pilotage national des besoins, qu’il s’emploie du reste à détailler au niveau national, mais aussi par département. La FiRIP propose même « d’aller plus loin avec l’Etat » sur ce point. Rappelons que lors du dernier TRIP Avicca avait été émise l’idée de mettre sur pied une structure permettant de mutualiser et sécuriser les approvisionnements.
Mix techno : 6 millions sans fibre en 2022
Reste aussi à régler le cas des zones qui ne disposeront pas du très haut débit par la fibre en 2022. En admettant que l’objectif de 84% FttH soit atteint d’ici cinq ans, resteraient 16% de locaux, soit près de 6 millions, qui auront besoin d’une solution alternative pour décrocher leurs 30 Mb/s. Dans le détail, 3,7 millions via le cuivre, et « potentiellement » 2,2 millions via la radio ou le satellite.
L’occasion pour la FiRIP de plaider à nouveau pour un appui financier supplémentaire en direction du THD Radio, à piocher par exemple dans les 300 millions de financements du plan France THD non encore validés et donc « disponibles immédiatement ». Avec une inconnue néanmoins pour délimiter les projets et jauger les investissements nécessaires : l’espace qu’occuperont les solutions 4G fixe des opérateurs, dans la perspective d’un étoffement conséquent de la couverture mobile d’ici 5 ans.
Se pose enfin la lancinante question de l’après-2022 et de la Gigabit Society de 2025 (100 Mb/s minimum pour tous, que l’on voit s’éloigner au fil des bilans et des observatoires. Alors que l’Etat renâcle à s’engager sur le long terme, la FiRIP annonce qu’elle livrera ses estimations des besoins en septembre prochain, à l’occasion de son Université d’été du THD. Tout en rappelant les bonnes opérations financières réalisées par les collectivités lors des dernières attributions de DSP sur les réseaux d’initiative publique. « Le levier du soutien public permet de mobiliser beaucoup plus de fonds privés que prévu », glissent les auteurs du rapport à l’intention de l’exécutif. Traduction : aujourd’hui, les RIP, pour l’Etat, c’est pas cher, et pour les territoires, ça peut rapporter gros…