Lors du colloque TRIP d’automne de l’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel), deux interrogations figuraient en haut de la liste des participants. A qui le dernier remaniement confierait le dossier de l’aménagement numérique du territoire, et quand rouvrirait le guichet de subventions des réseaux d’initiative publique.
Satisfaction pour l’écosystème THD : la question de l’ANT reste entre les mains de Julien Denormandie, malgré son changement de portefeuille au sein du ministère de la Cohésion des territoires. Désormais ministre en charge de la Ville et du logement, l’intéressé a ainsi assuré devant les acteurs du Très Haut Débit qu’il resterait en charge de la question, après dix huit-mois d’une action jusqu’ici plutôt bien perçue par les collectivités.
Le guichet France THD reste fermé
Pour apprécié que soit le messager, la parole gouvernemental qu’il est venu délivrer se traduit par une déconvenue. A savoir le report à fin 2019 de la réouverture du guichet de subventions aux projets de réseau d’initiative publique prévu par le plan France THD. Là où les collectivités réclamaient un réabondement dès cet automne, afin de préparer les futures phases de déploiement de la fibre dans les zones qui ne seront pas équipées à l’horizon 2022-2023.
L’annonce de ce délai supplémentaire a « douché » les espoirs de l’Avicca, nous confie son délégué général Ariel Turpin. Parce qu’il prive durablement de perspectives les quelque 40 départements (voir carte ci-dessous) qui comptaient sur ces aides pour mettre sur pied les phases 2 ou 3 de leur projet FttH.
D’autant moins compréhensible, poursuit-il, que la suspension du guichet vient enrayer une mécanique de mieux en mieux huilée. A preuve, les dernières attributions de DSP « qui ne coûtent pratiquement plus rien en argent public », à la faveur d’un intérêt accru des investisseurs pour les projets de déploiement FttH en zone rurale. Malgré cet engouement, insistent les collectivités, ces projets restent impossibles à équilibrer sans le concours financier de l’Etat.
Le « prétexte » AMEL
Pour ce dernier, il est au contraire urgent d’attendre. Notamment pour jouer « à fond » la carte des AMEL, qui promettent le raccordement d’un million de locaux en zone rurale sans financement public, a insisté Julien Denormandie lors du TRIP. Un dispositif toujours aussi peu en cour du côté des collectivités, et dont la prorogation jusqu’à la fin de l’année ne passe pas. Malgré les arguments avancés par l’Agence du Numérique pour justifier cette rallonge, elle n’y voit toujours qu’un « prétexte » pour ne pas rouvrir le guichet,
Tout comme la nécessité, mise en avant par l'Etat, de réévaluer les besoins spécifiques des 3 à 3,5 millions de locaux qui resteront à raccorder en fibre. Pour l'Avicca, il ne s'agit là que de « gagner du temps » et notamment éluder le débat sur de nouveaux financements dans le cadre des discussions actuelles sur le Projet de loi de Finances 2019.
Le Parlement à l'assaut du guichet
Quoi qu’il en soit, le sujet a bel et bien été mis sur la table à l’Assemblée : deux amendements au PLF 2019 proposaient ainsi d’ouvrir 200 millions d’euros d'autorisations d'engagement au titre du Plan France Très Haut Débit. L’un porté par les Républicains - non sontenu, l’autre par des députés LREM - rejeté. Au passage, l'amendement du groupe majoritaire indiquait que « le solde de l’investissement pourrait être prévu à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020 ». Soit quelque 500 millions d’euros, l’Agence du Numérique estimant à « environ 700 millions d’euros le besoin résiduel nécessaire sur les années à venir afin de finaliser le réseau fibré ».
Ces tentatives illustrent, pour l’Avicca, le hiatus entre la position gouvernementale et les besoins des territoires, que s’efforcent de relayer leurs représentants. « Heureux » de voir ces initiatives émaner aussi de la majorité présidentielle, Ariel Turpin ne perd pas espoir de « transformer l’essai au Sénat ». Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et président de l’Avicca, annonçait ainsi en ouverture du TRIP d’automne le dépôt d’un amendement « en ce sens lors de la discussion sur le PLF ».
Perte de confiance
Pour l’association il est en effet impératif de réamorcer la pompe dès à présent, sans attendre une hypothétique réouverture dans le cadre du PLF 2020. Pour se prémunir, d’une part, de l’irruption entretemps d’un nouvel argument gouvernemental qui justifierait un report à d’autres calendes. Parce que, d’autre part, « il n’est absolument pas sûr que dans deux, trois ans, on ait le même contexte économique, le même intérêt des opérateurs, la même disponibilité de capitaux pour aller terminer le déploiement en zone rurale », prévient Ariel Turpin. Les dernières annonces suggèrent en tout cas que l’objectif du 100% FttH en 2025 n’est « absolument plus la priorité du gouvernement », déplore-t-il. « Le ministre nous demande de garder confiance, mais la confiance n’est plus là ».