Nouveau gouvernement, nouvelle philosophie ? Nouveau contexte aussi ? En l'espace d'un été, le discours de l'exécutif semble en tout cas avoir sensiblement évolué sur le dossier de l'aménagement numérique. Face au risque de déclassement des "territoires"' chers au nouveau Premier ministre Jean Castex, et brandi depuis des années par les collectivités, le futur plan de relance n'oubliera pas la fibre. Le dispositif prévoira ainsi des fonds supplémentaires pour accompagner les zones où quelque 3 millions de lignes restent à financer, a annoncé ce matin Cédric O. Coup de pouce financier qui s'inscrit dans un projet plus ambitieux, esquissé par le secrétaire d'Etat en charge de la Transition numérique et des Communications électroniques : aller vers un "service universel" pour la fibre.
Du rab pour le guichet RIP
C'est la première information livrée par le représentant du gouvernement : réenclenché il y a un an, mais trop modestement au goût des collectivités, le guichet de subventions aux projets publics de déploiement de la fibre va être renfloué. "Nous avons rouvert le guichet de couverture territoriale, nous allons faire un effort significatif supplémentaire", a promis Cédric O lors du salon RuraliTIC.
Sur ce point précis, le gouvernement refusait jusqu'ici d'aller au-delà de 280 millions d'aides, quand les collectivités comme industriels des infrastructures numériques calculaient les besoins totaux à 680 millions d'euros, en plus des quelque 3 milliards d'euros du plan France THD. Le tout sur la base d'un cahier des charges remodelé il y a peu, et qui avait sensiblement revu en baisse les dépenses éligibles aux aides de l'Etat. Et encore, ces 680 millions étaient un minimum. "Une réévaluation de cette enveloppe devra être étudiée au regard de la situation financière des collectivités, du renchérissement des coûts de déploiement lié aux mesures sanitaires et du nombre de prises à déployer plus élevé qu’attendu", prévenaient déjà en mai dernier les associations de collectivités dans un courrier adressé au gouvernement.
Le plan de relance dévoilé la semaine prochaine permettra d'en savoir plus sur l'effort que le gouvernement est prêt à consentir sur ce point précis, sujet de crispation récurrent depuis le début du quinquennat. Sachant que le coût total à supporter par le privé et le public pour généraliser la fibre à horizon 2025 est estimé par InfraNum à 5,3 milliards d'euros. Soit la moitié du plan de relance tel que l'espère la fédération industrielle : une feuille de route à 11,2 milliards d'euros, dont 7 milliards de fonds publics, qui vise aussi à financer un nouveau plan Smart Territoires, la transition numérique des TPE / PME, la formation et le soutien de la filière à l'export. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure le plan de relance répondra à ces attentes.
Chiffrage du plan de relance proposé par InfraNum
Un service universel pour la fibre
Des fonds supplémentaires pour généraliser la fibre, oui, mais "avec l’ambition d’évoluer vers cette logique que la fibre doit être un service essentiel", a ajouté Cédric O. Là encore, le gouvernement paraît s'aligner sur une demande formulée par les collectivités. Il s'agit même de la première des 34 propositions formulées dans le plan de résilience numérique présenté en juin par l'une de leurs associations représentatives, l'Avicca. Afin de permettre "aux professionnels du secteur de pouvoir en cas de crise", comme celle traversée récemment, de continuer à assurer le déploiement et l'exploitation des réseaux fixes et mobiles. Un tel statut offrirait aussi l'opportunité de lever certains freins au déploiement, comme l'accès aux partie communes pour fibrer les colonnes montantes des immeubles, ajoutent pour leur part les opérateurs membres de la Fédération française des Télécoms.
L'idée de faire de la fibre une infrastructure essentielle rencontrait toutefois les réserves de Julien Denormandie. Aujourd'hui à l'Agriculture, l'ancien ministre de la Ville et du Logement, chargé du dossier THD dans les précédents gouvernements, craignait qu'une confusion ne s'installe entre ce statut essentiel et un "droit à la fibre". C'est toutefois ce vers quoi veut tendre l'exécutif désormais : "Nous voulons travailler sur la notion de service universel", a en effet indiqué en sus Cédric O ce matin. Un chantier qui commencerait dès cet automne, à l'occasion de la transposition dans le droit français du Code européen des communications électroniques. "Celui-ci devrait nous permettre d'élargir la notion de service universel à la couverture fibrée du territoire", a ainsi précisé le secrétaire d'Etat au Numérique. Le mot est lancé, rendez-vous dans les prochaines semaines pour en savoir plus.