Comment permettre au secteur des infrastructures numériques de redécoller suite à la crise sanitaire ? Après avoir étudié son impact et précisé ses pistes pour une reprise des chantiers, la fédération InfraNum a présenté ce matin aux Assises du Très Haut Débit ses propositions pour une relance à plus long terme. Au-delà de l'achèvement du chantier de la fibre en France, d'autres voies sont tracées dans ce nouveau plan. Notamment un ambitieux programme de développement et d'harmonisation des Smart Territoires, identifié comme l'un des enjeux clé aux côtés de la transformations numérique des entreprises, de l'emploi et de l'export. Coût total de ces mesures : 11 milliards d'euros, dont 7 milliards à apporter par l'Etat, les collectivités ou les fonds européens.
La fibre pour tous, chantier n°1
11 milliards d'euros, une somme, et c'est la généralisation de la fibre optique qui en constitue le principal poste. Pour couvrir, en 2025, 97% des locaux du territoire en FttH ou FttE (fibre jusqu'au domicile ou à l'entreprise), 5,3 milliards d'euros seront encore nécessaire, calcule InfraNum, sur la base d'une étude réalisée par Ernst & Young et le cabinet spécialisé Tactis. 3 milliards seraient à prendre en charge par la filière, le reste par les pouvoirs publics au travers des différents dispositifs de financement du plan France THD. Dont ces fameux 400 millions d'aides de l'Etat réclamés à cors et à cris par industriels et collectivités pour couvrir le déploiement de 3 millions de lignes non encore financées en zone rurale, toujours sans succès. En sus, InfraNum identifie 150 millions d'euros pour soutenir le déploiement des technologies d'accès à Internet alternatives qui doivent permettre d'atteindre l'objectif 100% Très Haut Débit à fin 2022.
La fibre pour tous, y compris les acteurs économiques : les pouvoirs publics sont appelés à mettre près d'un milliard d'euros sur la table pour aider entreprises et administrations à se raccorder à la fibre. Un montant qui couvre financements spécifiques pour les administrations et crédits d'impôts pour les TPE/PME, quand "20 % des 4 millions d’entreprises et des 800 000 administrations ne peuvent être raccordées à un coût standard", fait valoir InfraNum. Le tout complété par une évolution "dès 2020" du cadre réglementaire à même de créer un environnement plus équitable pour l'ensemble des opérateurs B2B. Aussi bien pour faire le ménage dans les tarifs que pour garantir l'accès de tous les opérateurs B2B à des offres de gros passives ou activées "sur tout le territoire national". Le premier sujet a des chances d'avancer, le second moins, à en juger par les orientations retenues par l'Arcep dans le cadre de sa prochaine analyse de marché.
Smart Territoires, export : préparer l'après
Généraliser l'accès à la fibre prendra du temps, mais à l'échelle industrielle, 2025, c'est déjà demain. La filière anticipe ainsi les futurs débouchés pour ses quelque 13 000 entreprises. A commencer par le développement des Smart Territoires, qui restent aujourd'hui "d'ampleur limitée", et avancent aussi en ordre dispersé pour l'instant, constate InfraNum. D'où son idée d'un "plan de développement de « Smart Territoires » durables à l’échelle nationale". Sur le modèle du plan France THD, celui-ci serait piloté par l'Etat, qui apporterait aussi un soutien financier aux projets portés par les collectivités. Coût estimé : 1,5 milliard d'euros, dont 1,35 milliard d'argent public.
L'autre espoir de développement à plus long terme caressé par les industriels des infrastructures numériques est l'export des produits et savoir-faire national en la matière. Notamment hors d'Europe, où les acteurs tricolores ont fort à faire face aux "projets clés en main", financement inclus, proposé par d'autres acteurs extra-européens, "particulièrement prisés par les pays en développement". Là aussi, la filière compte sur le soutien de l'Etat : amélioration de la visibilité de l'offre française, actions de "diplomatie économique" et surtout mobilisation de financements qui pourront faire partie intégrante des offres des acteurs français. Un ensemble à plus de 3 milliards d'euros, à partager un tiers / deux tiers entre la filière et les pouvoirs publics.
Le double enjeu de l'emploi
Smart territoires et export : on retrouve là deux des projets structurants définis dans le contrat stratégique de filière (CSF) signé en décembre dernier. Y figurait aussi l'emploi et la "nécessité d'anticiper une gestion RH de long terme". La priorité du moment est certes de faire face aux besoins de recrutement immédiats. Les chantiers du plan France THD mobiliseront en effet plus de 30 000 professionnels en 2022. Soit 7 000 de plus qu'à fin 2019, un premier défi pour une filière en tension chronique sur certains profils.
Mais la question se pose aussi du devenir de cette main d'œuvre une fois que le pic de travaux France THD sera dépassé. Seule une partie d'entre elle pourra être maintenue sur les réseaux actuellement en construction afin d'assurer leur exploitation et leur maintenance, prévient InfraNum. Ce qui nécessite d'ores et déjà de réfléchir aux modalités de reconversion, aux "passerelles de formation" vers les nouveaux métiers de la filière, dans la 5G ou les smart territoires justement. Le tout pour un budget beaucoup plus modeste que dans les autres domaines : 13 millions d'euros en tout, à part égale entre la filière et les pouvoirs publics.