La France reste l'un des pays d'Europe où le déploiement de la fibre optique est le plus avancé. En effet, au 30 juin 2023, 83% des foyers étaient raccordés, soit 36,2 millions de locaux. Mais l'état s'est engagé à proposer la fibre à 100% des français en 2025. Le temps presse et l'état voit son objectif s'éloigner. Car depuis plus d'un an, le déploiement de la fibre ralentit comme nous le disions déjà dans un article en date du 12 septembre. "C’est plus un effondrement qu’un ralentissement, juge même Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca, association de collectivités engagées sur le numérique. Le déploiement de nouveaux foyers raccordés sur l’ensemble de 2023 correspond à un trimestre de 2022, qui était déjà une année en baisse par rapport à 2021".
Il est vrai que les chiffres des derniers mois sont éloquents. Au cours du deuxième trimestre, (seulement) 870000 locaux supplémentaires ont été rendus raccordables à la fibre FttH. C'est 20% de moins que sur la même période de l'année dernière.
Dans les zones très denses, les 106 plus grandes villes, 92% des foyers sont éligibles. Mais seulement 50000 nouveaux locaux ont été raccordés lors du second trimestre. C'est moitié moins par rapport à la même période de l'année précédente.
Le constat est sensiblement le même dans les zones moins denses d'initiative privée (3600 communes situées en dehors des grandes agglomérations), avec seulement 130000 nouveaux locaux raccordés à la fibre. C'est aussi moitié moins par rapport à la même période de l'année passée. Le déploiement de la fibre s'établit à 88%.
Enfin, dans les zones moins denses d'initiative publique, où la fibre est déployée avec le soutien des collectivités territoriales, 600000 nouveaux locaux ont été raccordés. Mais le taux de raccordement plafonne à 74%. Bref, tous les territoires sont touchés par le ralentissement du déploiement de la fibre.
Déploiement de la fibre : Orange s'engage auprès de l'état
Dans le ralentissement du déploiement de la fibre, tous les opérateurs ont leur part de responsabilité. Mais Orange plus que les autres. Car, en 2018, il s'était engagé à raccorder 100% des foyers sous sa responsabilité dans les zones moins denses d'initiative privée (zones AMII) et il n'a pas tenu tenu parole. C'est pourquoi il est dans le viseur de l'état, qui l'a même menacé de sanctions financières. C'est dans ce contexte que l'opérateur historique vient de signer un accord avec le gouvernement, comme le révèle un article du Figaro publié hier.
Le quotidien explique que Orange s’engage à raccorder 98,5 % des foyers dans la zone AMII (contre 88 % actuellement) avec un rattrapage sur certaines intercommunalités, et 96 % (contre 92 % actuellement) dans la zone très dense d’ici à 2025. Soit respectivement 1,2 million de foyers à raccorder en plus en zones AMII et environ 300.000 foyers en ZTD.
L'objectif du 100% fibre en 2025 ne sera pas atteint
Avec cet accord arraché à Orange, l'état compte bien que le déploiement de la fibre reprenne sa marche en avant. Néanmoins, avec cet accord, il reconnaît que son objectif d'une France 100% fibré en 2025 ne sera pas atteint. C'est maintenant une certitude. Mais ce n'est pas une surprise. "Cela ne sert à rien de s’engager sur des pourcentages inatteignables", se défend le cabinet de Jean-Noël Barrot, le ministre de la Transition numérique et des Télécommunications. Il n'empêche, son engagement ne sera pas tenu.
Cette situation n'est guère étonnante. Le 12 septembre, dans nos colonnes, l'Avicca tirait déjà le signal d'alarme : "Les statistiques de l'Arcep pour le deuxième trimestre confirment l'échec annoncé du 100% FttH en 2025", s'inquiétait-elle dans un communiqué de presse. Quant au patron d'Orange, il disait également au mois d'octobre que le 100% fibre en 2025 est une chimère : "Quand j'ai pris mes fonctions, ce fameux 100% fibre, cela m'a surpris. Je pense que c'est un rêve".
Pourquoi le déploiement de la fibre ralentit
Si le déploiement de la fibre ralentit, c'est parce que tous les opérateurs ne jouent pas le jeu, mais aussi parce que les foyers qui restent à raccorder sont difficiles à raccorder selon les opérateurs, qui estiment à trois milliards d'euros le budget nécessaire pour achever le déploiement de la fibre. Sans surprise, c'est en zones rurales que se trouvent les foyers les plus difficiles à raccorder.
C'est pourquoi l'état annonce aussi la création d’un dispositif par lequel la Caisse des dépôts investira pour les raccordements dans le domaine public. "Cette dernière portera l’investissement et louera l’infrastructure aux opérateurs", assure Jean-Noël Barrot.
En outre, Enedis, InfraNum (la fédération française de professionnels du secteur des infrastructures de télécommunications) et la FNCCR (la fédération nationale des collectivités concédantes et régies), qui est l'association nationale des services publics en réseaux, ont également trouvé un accord pour améliorer le modèle national de convention "appuis communs" pour faciliter l'utilisation des supports électriques pour le déploiement de la fibre optique. Les procédures administratives et techniques seront simplifiées, ce qui devrait faciliter le déploiement de la fibre.
Une bonne chose. Car, sur les 11 millions de prises FttH à construire en zones moyennement denses et rurales d’ici à 2025, la moitié pourrait être concernée par le recours aux supports aériens basse tension du réseau public de distribution électrique propriété des collectivités.