Fin du suspense et des atermoiements en Savoie : le conseil départemental vient de dévoiler les grandes lignes de son nouveau plan Très haut débit. Le nouvel horizon est fin 2023, date à laquelle 100% des locaux du département seront raccordables en fibre optique. Y compris, et surtout, dans la zone d’initiative publique, où le déploiement sera assuré conjointement par Covage et Orange.
Le choix du tandem a été officialisé fin octobre par le département, à l’issue d’une procédure d’Appel à manifestation d’engagement locaux (AMEL). Le principe : le déploiement sera intégralement financé par le groupement en charge de l’opération, qui évoluera sous le nom de Covage Savoie, nous indiquent Jean-Philippe Laplanche et Pierre Moore, respectivement directeur adjoint aux infrastructures et responsable du service aménagement numérique au CD 73.
Zones grises ADSL : 100 000 locaux fibrés sous trois ans
Les deux opérateurs se voient donc chargés d’équiper quelque 255 000 locaux en FttH en zone rurale et de montagne, à l’issue d’un chantier de quatre ans qui démarrera dès l’an prochain. Dans le détail, le calendrier prévoit un premier rendez-vous à fin 2021. Le groupement devra avoir réalisé 50% des branchements à cette échéance. Soit environ 125 000 locaux raccordables, dont 100 000 sur les zones prioritaires, c’est-à-dire celles disposant à l’heure actuelle d’un très faible débit ADSL (< 2Mb/s).
L'objectif intermédiaire est qu’à fin 2021 « 98% des foyers savoyards et des zones d’activité aujourd’hui en zones grises » soient équipés. Un périmètre prioritaire intégrant notamment les stations de ski, qui pourront bénéficier d’« offres commerciales spécifiques » adaptées à leur activité saisonnière, grâce à un réseau FttH activé, nous confirment les responsables de l'aménagement savoyard.
A noter aussi qu’à fin 2023, le total de 255 000 englobe une part, désormais traditionnelle, de 8% de locaux raccordables « à la demande ». Ces lignes longues plus complexes à déployer ne seront tirées que sur commande d’un fournisseur d’accès, dans un délai maximum de six mois.
Contrôle des engagements : rendez-vous mensuel
Qu’en est-il du respect de ces engagements ? Dans le cadre de la procédure AMEL, ils devront dans un premier temps recevoir l’avis favorable de l’Arcep, afin que le gouvernement puisse les rendre contraignants et opposables au titre de l’article L33-13 du CPCE. Le tout sur un calendrier ne portant pas uniquement sur les jalons de 2021 et 2023, mais aussi sur des « phases intermédiaires année par année », indique Jean-Philippe Laplanche. La collectivité assurera ce contrôle « en relation étroite avec l’Arcep », et instaure, au niveau local, un comité de suivi avec l’opérateur. Il sera réuni sur un « rythme assez dense » : tous les mois lors des 18 premiers mois.
L’AMEL, « comme une évidence »
Facteur de risques pour les uns, opportunité inespérée pour les autres, l'Appel à manifestation d'engagement locaux suscite la controverse depuis des mois au sein de l'écosystème THD. Le dispositif avait été mis sur pied par le gouvernement pour compléter les phases 1 des RIP, afin d'accélérer le déploiement de la fibre dans les territoires promis à une desserte tardive, après 2022. Pour la première fois, il est utilisé pour équiper l'intégralité de la zone d'initiative publique d'un département. Présenté lors de la Conférence des territoires de Cahors en décembre 2017, l'AMEL s’est imposé « comme une évidence » pour le département, soulignent Jean-Philippe Laplanche et Pierre Moore, car il répondait en effet au principal enjeu en Savoie, celui « d’aller très vite », nous indiquent-ils.
Les propositions des opérateurs candidats ont ainsi su séduire le département, qui repartait de zéro après la résiliation de la précédente DSP signée avec Axione. Négocié dans un contexte beaucoup moins favorable, ce contrat impliquait 133 millions d’euros de dépense publique, pour atteindre le 100% FttH en 2026 seulement. Le timing s’est donc révélé opportun pour un changement de braquet, même si la raison officielle de la résiliation tient à la collision sur le terrain de l’ancienne DSP avec Fibréa.
L’argument Fibréa
Ce réseau distribuant quelque 500 Km de fibre dans la Maurienne et la Tarentaise a depuis été racheté… par Covage. De quoi le rendre incontournable dans le cadre de l’AMEL ? « Posséder Fibréa n’était pas un pré-requis. Deux candidatures d’excellente qualité ont été examinées » et ont tenu la corde « jusqu'au dernier moment », affirme ainsi Jean-Philippe Laplanche : celle de SFR Collectivités et celle de Covage/Orange. C'est finalement cette dernière qui est apparue « la plus aboutie », et la présence de Fibréa n’y a « pas été étrangère », reconnaît-il toutefois, en vertu notamment de sa « meilleure connaissance du territoire ». Rappelons également que Covage est déjà à pied d'œuvre dans le département voisin, sur le RIP fibre de la Haute-Savoie.
Covage et Orange à nouveau en tandem
Abondée par Covage et Orange, la société Covage Savoie sera en charge du déploiement et de l’exploitation du réseau. A priori sans « division des tâches » entre les deux groupes, nous expliquent MM. Laplanche et Moore, contrairement au modèle retenu en Essonne. Si le poids respectif des deux groupes dans la société ad hoc n’est pas précisé, on peut avoir une idée du montant investi par Covage grâce à un compte-rendu de la communauté de communes du Canton de la Chambre de juin dernier : cette dernière évoquait en effet à l'époque un « plan d’investissement de 150 millions » d’euros de la part de l’opérateur. Contacté, Covage n'a pas souhaité nous livrer plus de précisions sur les modalités du partenariat avec Orange, qui feront l'objet d'une communication ultérieure.