Essentiellement tourné vers les problématiques de logement, le projet de loi Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique) a, comme son nom le suggère, aussi l’ambition d’œuvrer au déploiement du très haut débit. Après avoir promis l’accélération du déploiement lors des précédentes conférences des territoires, l’exécutif a en effet enfourché ce véhicule législatif pour faire passer certaines dispositions visant à accélérer la propagation du THD. Avec toujours en tête les deux mêmes jalons : bon débit (8 Mb/s) pour tous en 2020, très haut débit pour tous en 2022.
Au programme : des simplifications administratives pour les nouvelles implantations de sites mobiles ou le déploiement des réseaux en fibre optique. Mais aussi des sanctions pour les opérateurs qui manqueraient à leurs obligations de déploiement FttH.
Nouvelles antennes : délais raccourcis en mairie
Ces nouvelles dispositions viennent s’insérer en toute fin du projet de loi, dans le titre IV. Son Chapitre VI visant à « simplifier le déploiement des réseaux de communication électronique à très haute capacité » comprend trois articles. Deux portent sur l’allègement des démarches administratives.
Sur le mobile, d’abord, qui doit connaître une « généralisation de la couverture 4G d’ici à 2020 », grâce notamment à l’implantation de 10 000 nouveaux sites dans les prochaines années. Un chantier d’envergure auquel la loi Elan entend apporter sa pierre. Pour les « installations radioélectriques », elle vient réduire de deux mois à zéro le délai entre le dépôt du dossier d’information auprès du maire et la demande d’autorisation d’urbanisme dans le cas de nouvelles implantations, et de deux à un mois en cas de « modifications substantielles ». L'idée est ainsi de se débarrasser d'« un facteur de ralentissement important dans le déploiement de ces installations, qui prend en moyenne 2 ans », résume l'étude d'impact publiée en parallèle du projet de loi.
En revanche, exit la disposition portant sur les modalités d’occupation de l’espace public : le projet de loi s'allège de l'article 63 qui visait à modifier le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) pour exclure « les installations des réseaux de communications électroniques ouverts au public du champ d'application de la procédure de publicité et de mise en concurrence préalable ». Une précaution « inutile », selon le Conseil d'Etat, pour qui l'article L. 2122-1-1 du CG3P fait déjà l'affaire « en l'état actuel du droit »
Fibre optique : accélérer sur l’aérien
Le texte doit aussi permettre de surmonter une difficulté actuellement rencontrée par les opérateurs engagés dans le déploiement de fibre optique en aérien, souvent ralenti quand celui implique une intervention sur une propriété privée. Il entend ainsi simplifier les modalités de mise en œuvre des servitudes permettant d’intervenir « sur et au-dessus des propriétés privées, y compris à l'extérieur des murs ou des façades donnant sur la voie publique ».
Le délai minimum dont disposent les propriétaires ou co-propriétaire pour faire part de leurs observations est notamment ramené de trois à deux mois. D’autre part, le projet de loi prévoit la suppression de la condition d’existence d'une servitude ou d'une convention de passage antérieure pour l'obtention d'une nouvelle servitude.
Engagements non tenus : pouvoirs renforcés pour l'Arcep
Enfin, le projet de loi Elan manie aussi le bâton : il propose ainsi de renforcer les pouvoirs de sanction de l'Arcep en élargissant le champ d'application de l'article L36-11 du code des postes et des communications électroniques. En effet, l'actuel barème de sanctions qui y figure « n’apparaît pas suffisant pour répondre efficacement aux manquements des opérateurs à leurs engagements de déploiement de la fibre optique », peut-on lire dans l'étude d'impact.
Une clause « fibre » est ainsi insérée dans l'article L36-11 qui permettra désormais à l'Arcep, faute de conformation à une « mise en demeure portant sur le respect obligations de déploiement résultant d’engagements pris en application de l’article L. 33-13 », de sanctionner l'opérateur à hauteur de « 1 500 € par local non raccordables pour un réseau filaire » ou « 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos ».
On notera au passage la disparition du texte d'un autre élément du barème de sanctions : 450 000 € par zone arrière de points de mutualisation sans complétude de déploiement, forcément plus dissuasif. Une absence surprenante, puisque cette disposition, qui figurait à l'origine dans la Proposition de loi Chaize, avait été reprise dans l'avant-projet de loi, et est décrite, dans l'étude d'impact, comme appartenant au « dispositif retenu ».
Des sanctions sur quelles bases ?
La nature des sanctions commence à se préciser, mais le chemin est encore long jusqu'à la promulgation du texte, prévue à l'été ou l'automne. D'ici là, on en saura plus sur les engagements qu'elles viendront encadrer, puisque Orange et SFR doivent annoncer incessamment la teneur des engagements qu'ils prendront au titre du L33-13 sur leurs zones d’initiative privée.
Philippe Béguin (Orange) « Nos propositions d’engagement L33-13 : fin 2020 100% des logements de la zone AMII Orange seront raccordables » #graco2018
— J-Francois Hernandez (@JFrHernandez) 4 avril 2018
En attendant ces détails, le Graco technique (groupe d’échange entre l’Arcep, les collectivités territoriales et les opérateurs) a fourni hier à Orange l’occasion de d’enfoncer le clou sur ses futurs engagements « L33-13 » : 100% de la zone AMII raccordable d’ici à 2020. « Le diable est dans les détails », ont toutefois rappelé plusieurs acteurs du dossier ces dernières semaines : on attend donc de les connaître pour comprendre comment cet engagement se conciliera avec le calendrier affiché dans de nombreuses agglomérations AMII, annoncées 100% raccordables… en 2022.