Une porte entrouverte à un retour à trois opérateurs, une amorce de renoncement au 100% FttH : les propos de Sébastien Soriano dans un entretien accordé au Monde la semaine dernière n’étaient pas passés inaperçus. Au point que l’Avicca s’interrogeait sur cette Arcep qui « n’en finit plus de pivoter », allusion à l'action engagée par l’Autorité en 2015 pour repenser sa mission de régulation.
Mobile : l'Arcep précise l'après New Deal
Interpellé sur ses dernières prises de position, Sébastien Soriano a ainsi saisi l’opportunité de ce TRIP Avicca de printemps pour défendre l’approche pro-investissement de l’Arcep. Qui est parvenue à « réveiller » les opérateurs pour qu’ils investissent, a-t-il fait valoir, avec un record à 9,6 milliards d’euros en 2017. Et entend bien jouer son autre rôle, celui de garant de la cohabitation de ces initiatives avec les projets des collectivités. A preuve, l’accord « New Deal », qui acte un effort massif des opérateurs en échange d’un renouvellement des licences.
Sans pour autant renoncer à contrôler étroitement les déploiements : le régulateur en chef rappelle ainsi que l’accord se traduira par des engagements juridiquement contraignants dès cette année. Qu’il publiera bientôt un nouvel observatoire du déploiement sur lesdites zones. Et enfin, qu’il gardera un œil par-dessus l'épaule d’Orange, SFR, Free et Bouygues lorsqu’ils s’attelleront à l’identification de quelque 2 000 zones à équiper de sites mutualisés, sur les 5 000 concernées par le nouveau dispositif de couverture ciblée. Un compromis auquel l’Avicca adresse du reste un satisfecit, à quelques détails près.
Fibre : les engagements en zone AMII en discussion
Sur le fixe, en revanche, l’Arcep reste attendue sur plusieurs points. La validation des propositions d’engagements d’Orange et SFR en zone AMII, d’abord, un casus belli qui empoisonne de longue date les relations entre opérateurs et collectivités. Elles n’ont pas satisfait l’Avicca, et l’on comprend de l’intervention du patron de la régulation qu’elles n’ont pas davantage convaincu l’Autorité. Saisie pour avis par le gouvernement, celle-ci est actuellement engagée dans une « dialectique constructive » avec Orange et SFR, a indiqué Sébastien Soriano. Autrement dit, ça discute ferme sur ces engagements contraignants et sanctionnables, au titre de l’article L33-13, que prendront les deux opérateurs sur les quelque 13 millions de lignes qu’il leur reste à construire dans la zone moins dense.
Si le verdict final est annoncé courant juin, le président de l’Autorité a livré quelques indices sur la teneur des discussions. Il indique ainsi attendre :
- de véritables engagements, là où les propositions initiales ont pu être accusées de faire dans la demi-mesure, entre volumes imprécis, lignes raccordables sur demande et échappatoires.
- une mise en œuvre « extrêmement rapide » des mécanismes de conventionnement avec les collectivités.
- une bonne articulation entre les actions des deux opérateurs – rappelons que SFR s’engageait sur 1,6 million de lignes hors de sa zone d’exclusivité, donc en territoire Orange. Pour l’Arcep, a priori, pas question d’officialiser ce doublonnement.
Cohérence des déploiements FttH : la fin du bazar ?
Le patron de l’Autorité entend en effet mettre fin au « bazar » constaté sur le déploiement du FttH, avec, là aussi, les pratiques d’Orange et SFR en ligne de mire, en zone AMII ainsi qu’en zone RIP. Ce via une proposition de recommandation qui vise à dire « ça suffit » aux préemptions, doublonnements et écrémage, a prévenu le patron de l’Arcep. Bien qu’en l’état, la position du régulateur soit jugée trop timorée et source de complexité supplémentaire. C’est en tout cas ce qui ressort de la réponse de l’Avicca à la consultation, tout comme celle du Cerema : tous deux réclament plus de mordant de la part du gendarme des télécoms, via une décision en bonne et due forme, susceptible de siffler véritablement la fin de la récré.
Trop coulante, l'Autorité ? Son président a en tout cas annoncé qu’elle s’apprêtait, passé ce cycle d’incitation, à entrer dans une nouvelle période de supervision. Rappelant notamment, sur le FttH, l’obligation de complétude des points de mutualisation sous cinq ans. Une disposition qui fait actuellement l’objet d’une procédure de contrôle des services de l’Arcep, dont les premiers résultats se révèlent « passionnants », a-t-il souri.
Autre pièce à conviction à apporter au « tribunal de la vérité » qui attend les opérateurs : la publication, dans le cadre du prochain observatoire HD / THD, du taux de complétude des déploiements FttH à la maille du point de mutualisation. En attendant, plus tard cette année, une cartographie des réseaux fixes à l’adresse qui devrait aussi préciser les dates prévisionnelles d’arrivée de la fibre par territoire. Après le succès de ses carottes, l’Arcep empoigne donc à nouveau son bâton. Reste à voir s’il sera assez solide pour mettre fin au « bazar ». Surtout dans l'éventualité d'une consolidation, point sur lequel le régulateur est, cette fois-ci, resté muet.