Hier, une fusée Falcon de Space X a livré un nouveau lot de satellites en orbite basse pour compléter le réseau d'Elon Musk. Rien de bien nouveau me direz-vous ? Et pourtant, il ne s'agit pas des habituels satellites permettant aux internautes de se connecter à leur offre internet Starlink. Comme l'a confirmé l'opérateur sur le réseau social X (anciennement Twitter), "les six satellites de cette mission, dotés de la capacité Direct to Cell, renforceront la connectivité mondiale et contribueront à éliminer les zones blanches".
"Direct to Cell" : une révolution en plusieurs étapes
Elon Musk avance ses pions et surfe sur le succès de Starlink. En améliorant les fonctionnalités et les performances de sa flotte de satellites, le célèbre milliardaire veut tout simplement généraliser les communications satellitaires aux smartphones !
La technologie "Direct to Cell" de Starlink fonctionne en permettant une communication directe entre les satellites en orbite basse et les téléphones portables, sans nécessiter d'infrastructure terrestre supplémentaire comme des antennes 4G/5G ou des antennes paraboliques spécifiques.
Contrairement aux services de communication par satellite traditionnels qui nécessitent des fréquences et des équipements spécifiques, le système "Direct to Cell" de Starlink utilise des fréquences de spectre compatibles avec les smartphones 4G (LTE). Cela permet aux satellites de se connecter directement aux téléphones mobiles.
Dans un premier temps, le service "Direct to Cell" sera uniquement compatible avec les textos. Après les SMS, Starlink envisage de passer aux appels vocaux puis aux données internet en 2025, et enfin de généraliser son service aux objets connectés (IoT).
La fin des zones blanches et la promesse d'un réseau mondial
L'objectif de Starlink est de mettre fin aux zones blanches sur n'importe quel point de la planète. Comme le service "Direct to Cell" fonctionne nativement sur les smartphones compatibles avec la 4G (LTE), et en imaginant que les satellites Starlink couvrent tout le globe, il serait théoriquement possible de passer un appel, envoyer un texto et naviguer sur le web aussi à Paris, dans les dunes du Sahara ou sur un bateau au milieu du Pacifique. Dans les faits, Starlink vise plutôt les "terres, les lacs et les eaux côtières" comme l'indique son site web.
Comme le rappelait en 2022 l'opérateur américain T-Mobile, 800 000 Km² de territoire américain n'étaient couvert par aucun réseau cellulaire. Soit plus que la France métropolitaine ! L'enjeu est donc bel et bien là : garantir des communications dans des régions reculées, peu denses et dans lesquelles le déploiement et la maintenance de réseaux terrestres seraient complexes et hors de prix.
La revanche du satellite ?
Le service Direct To Cell d'Elon Musk représente-t-il une menace pour les opérateurs qui déploient les réseaux 4G et 5G depuis des années en investissant des dizaines de milliards d'euros ? Dit autrement, Starlink peut-il désintermédier les opérateurs classiques et rendre caduques les dizaines de milliers d'antennes déployées ne France par exemple ? La réponse est non. Pour le moment, la stratégie de Starlink repose sur des accords de partenariat avec des opérateurs comme T-Mobile aux Etats-Unis, Rogers au Canada, Entel au Pérou, Optus en Australie et Salt en Suisse par exemple.
En mars 2023, Salt a notamment été le premier fournisseur de télécommunications en Europe à annoncer une collaboration avec SpaceX. L'opérateur suisse (appartenant à Xavier Niel via sa holding NJJ Capital) a indiqué que "cela permettra aux utilisateurs de bénéficier d’une couverture totale en Suisse, en fournissant une connexion de secours en cas d’urgence ou d’une éventuelle panne d’électricité".
De nombreux défis sont à relever. On pense notamment à la règlementation du spectre, l'encombrement spatial, à la résilience des satellites, aux préoccupations d'autonomie stratégique des pays mais aussi à la qualité de service et à la vitesse des connexions. Le Direct To Cell n'a pas actuellement la capacité de rivaliser avec les débits de la 4G et de la 5G. Enfin, Starlink devra trouver un modèle économique viable pour financer la mise à jour et le développement de sa constellation de satellites.
Il n'en demeure pas moins que le "Direct to Cell" est une jolie pierre dans le jardin des opérateurs mobiles qui voient le retour en force du satellite. Aujourd'hui, Starlink avance ses pions mais d'autres acteurs sont également sur ce marché stratégique : Eutelsat-OneWeb, le géant Amazon avec son projet Kuiper et pourquoi Apple qui a marqué son intérêt pour ce type de service. Longtemps cantonné à des usages militaires ou spécifiques (TV, métro, GPS...), le satellite pourrait revenir en force dans les prochaines années. Y compris dans nos smartphones !