Le rythme était bien installé, mais il risque de fléchir sensiblement. Avec 1,2 million de locaux supplémentaires rendus raccordables au 1er trimestre 2020, dont 700 000 en zone AMII et 360 000 en zone RIP, le déploiement de la fibre s'inscrit encore dans le sillage d'une année 2019 record. Au total, à fin mars, ce sont 19,5 millions de foyers et entreprises qui pouvaient espérer prendre un abonnement FttH.
Mais le ralentissement induit par la crise sanitaire s'est, sans surprise, fait sentir sur la 2e quinzième de mars, constate l'Arcep dans son dernier observatoire, "avec un rythme de déploiement affecté à plus de moitié". En attendant le prochain décompte de l'Autorité dans trois mois, l'étude d'impact commandée par la fédération industrielle InfraNum, dont les résultats seront dévoilés mi-juin, permettra d'en savoir plus.
3 millions de locaux supplémentaires
L'Arcep profite de ce nouveau bilan trimestriel pour faire le point sur le nombre réel de locaux à rendre raccordables. Sur la base non plus seulement des chiffres de l'Insee, mais aussi, partiellement, des données IPE, c'est-à-dire les fichiers permettant d'identifier exactement les adresses, que se communiquent les opérateurs pour pouvoir commercialiser leurs abonnements. Résultat : le régulateur ne dénombre plus comme il y a quelques mois 37 millions, mais 40 millions de locaux à rendre raccordables sur le territoire. Une estimation provisoire, puisque ce chiffre ne s'appuie encore que pour moitié sur les données IPE.
Du boulot en plus pour Orange
Ce nouveau mode de calcul fait augmenter sensiblement le volume de lignes à construire dans les zones où les opérateurs privés sont à la manœuvre. Dans les grandes villes relevant de la zone très dense, ce ne sont plus 6,5 millions, mais 7,2 millions de locaux que recense l'Arcep. Soit 1,3 million de lignes restant à déployer, sur un périmètre où Orange est le seul à réellement s'activer, au rythme de 100 000 par trimestre environ. Cette relative atonie si proche du but ne laisse pas d'irriter certaines métropoles particulièrement mal loties, et des propositions ont d'ailleurs été faites par l'Arcep, dans le cadre de sa consultation sur la prochaine analyse de marchés, pour tenter de débloquer la situation.
La zone RIP s'enrichit aussi de quelques centaines de milliers de locaux supplémentaires, et est désormais estimée à 16,8 millions. Mais c'est surtout dans les zones AMII que les choses se corsent. Car de 13,6 millions initialement, le nombre de foyers et entreprises à rendre raccordables est - pour l'instant - passé à 15,3 millions, selon les dernières données compilées par l'Arcep. Un différentiel déjà observé à l'occasion d'une première mise à jour, et qui s'est d'ailleurs quelque peu atténué depuis. Ce qui change, c'est que le régulateur se base désormais sur ce nouveau chiffre pour jauger l'avancement des déploiements en zone AMII, où SFR et Orange se sont engagés à relier au réseau fibre 92% des locaux à fin 2020.
Comme lesdits engagement portent sur un périmètre - 641 communes pour le premier, 2 978 pour le second - et non sur un volume de locaux, leurs obligations ont été réactualisées dans le dernier observatoire de l'Arcep. Pour SFR, cela représente un surcroît de 150 000 lignes par rapport au volume initialement prévu, et pour Orange, 1,5 million ! Ce dernier voit ainsi s'éloigner l'objectif matérialisé par le petit point vert ci-dessous :
Source : Observatoire HD-THD Arcep au T4 2019 et T1 2020
Baisse de rythme... jusqu'à quand ?
Le tout dans un contexte déjà tendu entre l'Arcep et les opérateurs sur la question des retards de déploiement à imputer ou pas à la crise sanitaire. Cette dernière sera bien entendu prise en compte pour réévaluer les obligations des deux opérateurs, même si le gouvernement a déjà prévenu qu'il serait lui aussi intransigeant. Mais, de fait, avec seulement trois trimestres pour construire quelque 4,5 millions de lignes en zone AMII, la question de la soutenabilité de ces engagements se pose, même avant l'irruption du Covid-19.
Et ce malgré la dynamique enclenchée depuis plusieurs trimestres, qui ne s'est pas démentie cet hiver avec encore plus de 700 000 lignes de fibre optique déployées en zone AMII. Un rythme qu'il sera difficile d'espérer avant plusieurs mois, préviennent les opérateurs, tandis que l'exécutif souhaite qu'il soit retrouvé "en tout état de cause avant la fin de l'année".