Avec 83% de locaux raccordés au 30 juin 2023, soit 36,2 millions de locaux, la France est le pays européen où le déploiement de la fibre est le plus avancé. Il faut s'en réjouir. Et pourtant, rien ne va plus dans la France de la fibre optique. Car la grande promesse du Président Emmanuel Macron en matière de télécommunications ne sera pas tenue. En effet, on ne prend pas trop de risques en vous disant que c'est mort pour le 100% fibre en 2025.
C'est officiel : l'objectif du 100% fibre en 2025 ne sera pas atteint !
C'était un secret de polichinelle. C'est désormais acté. Le Président Emmanuel Macron ne tiendra pas sa promesse d'apporter la fibre à tous les Français en 2025. Ce n'est pas lui qui l'a annoncé. D'autres s'en sont chargés à sa place. Mais sans le dire officiellement.
A commencer par Laure de la Raudière, la présidente de l'Arcep, l'autorité de régulation des télécoms. Hier, à l'occasion du TRIP de l'Avicca, une association de connectivités territoriales engagées dans le numérique, elle a répété que "l'objectif n'a pas varié". Je le rappelle à chaque fois, le gouvernement aussi, l'objectif, c'est la généralisation de la fibre".
Les mots ne sont pas les mêmes qu'en 2017 quand Laure de la Raudière, alors députée de l'Eure-et-Loir, et Eric Bothorel, député des Côtes-d'Armor, écrivaient dans un rapport d'information sur la couverture numérique du territoire : "Il faut désormais que l’État garantisse que la fibre optique sera bien accessible à 100 % des Français à l’horizon de 2025."
Au lancement du plan France Très Haut Débit, l'objectif était bien celui-là, et non pas une "généralisation de la fibre" à l'horizon 2030 à l'occasion de la fermeture du réseau cuivre et de la fin de l'ADSL.
Au mois de juin, devant le Sénat, Laure de la Raudière parlait encore du Plan France Très haut Débit comme d'un "succès collectif". Mais non, il s'agit plutôt d'un échec car l'objectif fixé et répété maintes fois ne sera pas atteint.
Du côté du gouvernement, rien d'officiel non plus. Mais les mots du cabinet de Jean-Noël Barrot, ministre de la Transition numérique et des Télécommunications, sont sans ambiguïté : "Cela ne sert à rien de s’engager sur des pourcentages inatteignables". Il y a quelques semaines pourtant, ce même ministre parlait encore de la "fibre pour tous" d'ici à 2025. Là encore, les mots ne sont pas les mêmes et montrent bien que les ambitions de l'État en matière de déploiement de la fibre optique ont changé.
Si l'État reconnaît à mots couverts que l'objectif d'une France 100% fibrée en 2025 est désormais inatteignable, d'autres le disent beaucoup plus franchement. Comme le nouveau patron d'Orange, Jean-François Fallacher qui a récemment déclaré : "Quand j'ai pris mes fonctions, ce fameux 100% fibre, cela m'a surpris. Je pense que c'est un rêve."
Quant à l'Avicca, à la découverte des statistiques de l'Arcep sur le déploiement de la fibre optique au deuxième trimestre de 2023, elle regrettait "l'échec annoncé du 100% FttH en 2025".
Les raisons d'un échec
Pendant des années, le déploiement de la fibre a avancé à un rythme effréné. Mais depuis 18 mois, le déploiement de la fibre ralentit partout sur le territoire. Pour Ariel Turpin, Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca, association de collectivités engagées sur le numérique, "le déploiement de nouveaux foyers raccordés sur l’ensemble de 2023 correspond à un trimestre de 2022, qui était déjà une année en baisse par rapport à 2021".
Alors, à qui la faute ? Pour l'État, qui vient de la sanctionner d'une amende de 26 millions d'euros, Orange est à mettre sur le banc des accusés. Depuis de longs mois, l'Arcep est en conflit avec l'opérateur historique.
En 2018, en effet, Orange prend l'engagement de raccorder 100% des foyers sous sa responsabilité dans les zones moins denses d'initiative privée (zones AMII) d'ici 2020, soit 3000 communes. Mais il ne tient pas parole, bien qu'il s'en défende. Car même à la fin du second trimestre 2023, 89% des locaux concernés (seulement) sont raccordés. c'est peu dire donc que Orange ne respecte pas ses engagements.
La semaine dernière, Orange a signé un accord avec l'Arcep dans lequel il s'engage à raccorder 98,5 % des foyers dans la zone AMII (contre 88 % actuellement) avec un rattrapage sur certaines intercommunalités, et 96 % (contre 92 % actuellement) dans la zone très dense d’ici à 2025. Soit respectivement 1,2 million de foyers à raccorder en plus en zones AMII et environ 300.000 foyers en ZTD.
L'opérateur a aussi accepter l'idée d'un droit au raccordement à la demande qui court jusqu'à la fermeture du réseau cuivre et la fin de l'ADSL en 2030. Mais trop tard pour éviter les sanctions et permettre à l'État de tenir sa promesse.
Quant aux raccordements dans les zones rurales, où la fibre est déployée des Réseaux d'Initiative Publique, il plafonne à 74%. Dans ces zones moins denses, les quatre grands opérateurs rechignent à déployer la fibre. Car ce n'est pas assez rentable. C'est d'ailleurs pour cela que la fibre y est déployée avec le soutien des collectivités territoriales.
Au 30 juin 2023, il restait 7,6 millions de foyers, la plupart en zones moins denses, à raccorder à la fibre. Parmi les branchements restants à effectuer, plus de deux millions de raccordements sont complexes à effectuer. Selon le patron d'Orange, certains territoires sont trop compliqués et trop coûteux à raccorder. Et l'investissement n'en vaut pas la chandelle. Selon Infranum, une fédération française de professionnels du secteur des infrastructures de télécommunications, raccorder à la fibre à ces deux millions de foyers coûterait trois milliards d'euros.
Pour favoriser le déploiement de la fibre en zones rurales, le gouvernement vient de créer un dispositif par lequel la Caisse des dépôts investira pour les raccordements dans le domaine public. Sans doute encore trop tard.
Pire, il ne faut pas exclure que parmi ces deux millions de foyers, certains ne seront peut-être jamais raccordés à la fibre.