La 4G dans le métro, un serpent de mer dans plusieurs agglomérations, qui fera bientôt son apparition à Rennes. Les usagers pourront ainsi surfer à très haut débit sur l’ensemble de la ligne A dès cet été, puis sur la ligne B, attendue pour 2020. Ce moyennant des travaux permettant aux opérateurs de mettre leur réseau à disposition de leurs abonnés dans les parties souterraines de l’équipement.
Un chantier que Rennes Métropole à confié à TDF, en sa qualité d’opérateur d’infrastructures « neutre et ouvert », dans le cadre d’une convention d’occupation du domaine public. Avec pour mission de « retransmettre les fréquences de chaque opérateur, puis rapatrier le trafic vers chacun d’entre eux », résume Olivier Plantureux, directeur marketing de la division télécoms.
Espaces confinés
Pour cette première intervention sur un métro, TDF a démarré l’étude du projet dès 2014, en lien avec la métropole, la société d'économie mixte pilotant la construction des lignes (SEMTCAR), l’exploitant du service STAR (Keolis) et les opérateurs. Lesquels souhaitaient proposer une couverture « sans couture » indoor/outdoor à leurs clients usagers de l’équipement. Une mission dans les cordes de l’entreprise, qui déploie des solutions de couverture intérieure pour répondre à des problématiques spécifiques dans les lieux publics, les bureaux, les salles de spectacles ou encore les bâtiments HQE.
Avec ici une donnée supplémentaire, celle d’un espace confiné, sur laquelle TDF a notamment travaillé lors de son intervention sur le tunnel du Prado Carénage à Marseille. Environnement qui apporte son lot de contraintes, de l’espace réduit pour installer les équipements aux normes de sécurité spécifiques (chaleur, combustion), en passant par les horaires d’exploitation. Et bien sûr, la principale : celui d’une infrastructure presque intégralement souterraine, faisant obstacle à la desserte des opérateurs.
Un système multi-opérateurs
Comment reconstituer leur réseau dans les tunnels ? Grâce à un système d’antennes distribuées (DAS), auquel recourt désormais TDF pour la couverture 4G indoor, en lieu et place des câbles rayonnants. Un choix dicté, entre autres, par la nécessité d’aller au-delà des 2 GHz pour supporter les fréquences dans les bandes 2100 et 2600 MHz employées en téléphonie mobile. Malgré des coûts plus importants, notamment en exploitation, qu’un réseau de petites cellules, ce dispositif se révèle plus adapté à une infrastructure comme le métro, pour absorber une fréquentation est à la fois fluctuante et potentiellement importante.
Surtout, il présente l’avantage certain d’assurer une couverture multi-opérateurs. « Il y a des opérateurs qui déploient des microcells ou des small cells, mais qui, dans ce cas-là, ne sont pas mutualisées, ce qui implique l’installation de trois ou quatre fois plus d’équipements », explique Olivier Plantureux. « D’un point de vue économique, le système DAS est la solution la plus adaptée, sachant que nous sommes dans un environnement confiné. Ce qui implique une contrainte de place, une complexité d’intervention initiale et de maintenance, et donc une nécessité de mutualiser au maximum les équipements déployés entre les différents opérateurs. »
Couverture intégrale sur six fréquences
Reste encore à configurer ces antennes, afin de s’assurer qu’elles répondent aux besoins d’Orange, SFR, Bouygues et Free. Pour déterminer les modalités d’acheminement de leurs signaux dans les tunnels, sur les quais et dans les stations, les travaux de préfiguration ont été confiés aux équipes d’ingénieries radio de TDF, basées à Metz. Grâce à des logiciels de prédiction, celles-ci ont modélisé la couverture qui permettra d’assurer la continuité de signal recherchée.
Pour ce faire, elles se sont appuyées les six bandes de fréquences validées par les opérateurs – 700, 800, 900, 1 800, 2 100 et 2 600 MHz. Avec, pour cette dernière, un rôle particulier. Pour assurer la couverture optimale de l’ensemble du métro dans toutes les bandes de fréquence, c’est en effet le 2 600 MHz qui « va dicter le nombre de points antennaires à installer, puisque c’est la bande qui se propage le moins bien », explique Nadir Ammoura, chef de produit télécom chez TDF.
Mauvaises ondes dans le métro ?
Cette démultiplication des fréquences dans un espace confiné présente-t-elle un risque ? A cet égard, la généralisation de la 4G dans le métro de Rennes ne fait pas l'unanimité. Le groupe écologiste du conseil de Rennes Métropole, ou encore la Maison de la consommation et de l’environnement plaident ainsi pour la mise en place de contrôles et de procédures transparentes pour la mise en place de contrôles et de procédures transparentes, afin de s’assurer que le niveau maximal promis (1 V/m) ne soit effectivement pas dépassé.
[Mise à jour du 22/07/18 : Nous avions initialement interprété la réaction du groupe écologiste comme « plutôt favorable » à la 4G dans le métro lorsque ce dernier soulignait « l'objectif de diminuer l'exposition générale aux ondes électromagnétiques » émanant de téléphones « en recherche permanente de réseau ». Laurent Hamon, conseiller municipal EELV, délégué aux usages numériques, et conseiller métropolitain, nous a toutefois indiqué qu'au-delà de cette remarque positive, son groupe restait globalement sceptique vis-à-vis de la pertinence du projet 4G sur un tracé aussi court, et très vigilant sur l'enjeu sanitaire qu'il constitue pour les usagers du métro rennais et les professionnels y travaillant.]
« Nous missionnons un organisme indépendant et agréé pour procéder à des mesures très régulières », indiquait à l'automne 2016 Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole, soulignant « l'engagement très fort » de la collectivité sur cette question.
« Nous avons des études prédictives qui peuvent nous indiquer, dans toutes les bandes, quelles seront, a priori, les niveaux de réception en tous points du métro », explique pour sa part Nadir Ammoura. Ce afin de « veiller à ce que, dans chaque bande, nous respections les normes d’exposition maximum pour le public ». Le tout doublé par des mesures post-déploiement afin de s’assurer du respect de la réglementation.
De son côté, Olivier Plantureux se veut rassurant sur la question de l’exposition aux ondes au vu de l’historique du métier : la couverture indoor est « un marché qui est assez mature », souligne-t-il, et a déjà donné lieu à des déploiements dans de nombreux bâtiments. Et de citer en exemple le siège de son entreprise. « Nous avons installé, pour notre propre compte, une couverture radio en intérieur, sur la base d’équipements qui sont similaires à ceux qui sont installés dans le métro de Rennes, et il n’y pas de problème. Il y a des normes à respecter, et nous les respectons ».
La perspective 5G
Avec ce dimensionnement sur la base du 2 600 MHz, quid de l’évolution vers la 5G, qui nécessitera d’aller plus haut encore dans le spectre, aux alentours des 3,5 GHz ? La couverture du métro sera-t-elle à revoir ? Dans un contexte qui offre encore peu de visibilité sur les normes qui seront retenues, TDF souligne son travail étroit avec les constructeurs sur l’évolutivité future des équipements installés. Tout en rappelant que « la première priorité en termes de besoins exprimés restait la couverture 3G/4G ».
Ceci étant dit, « nos contrats, précise Olivier Plantureux, aussi bien avec la collectivité qu’avec les opérateurs, prévoient que les installations seront susceptibles d’évoluer dans le temps. Ce qui permettra de couvrir les besoins 5G, ou peut-être d’autres, en termes d’Internet des Objets par exemple ».
Mutualisation à tous les étages
Voilà pour le principe de la couverture indoor. Reste à assurer l’interconnexion avec les opérateurs, qui sera réalisée hors l’enceinte du métro. Entre la tête de réseau et les répéteurs chargés d’amplifier le signal sur chaque station, la liaison se fera bien entendu en fibre optique : « Nous allons nous appuyer sur le réseau existant de la collectivité, le réseau FOR (Fibre optique rennais). Il était déjà raccordé au site TDF de Cesson-Sévigné où seront hébergés les BTS des opérateurs et le master optique du DAS, qui sera lui-même connecté aux différentes stations [de la ligne A, ndlr], dans lesquelles la fibre est déjà présente », indique Nadir Ammoura. Pour la ligne B, les stations seront fibrées au fur et à mesure de la construction, et elles aussi raccordées, moyennant quelques adductions, au réseau FOR.
Cette centralisation extérieure du réseau répond aux contraintes que nous avons évoquées plus haut : gain de place et limitation des interventions techniques sur l’emprise du métro, à quoi s’ajoute la supervision du réseau par un acteur unique, depuis le centre d’exploitation TDF du Fort de Romainville. Le tout faisant d’autant plus sens que TDF propose par ailleurs d’autres dispositifs de couverture aux opérateurs, déjà hébergés à cette fin sur le site de Cesson-Sévigné, rappelle au passage Olivier Plantureux.
Au-delà des aspects techniques et logistiques, c’est ce principe de mutualisation qui est véritablement au cœur de l’aboutissement du projet, insiste l’opérateur. Egalement synonyme de partage des coûts d’infrastructure et d’optimisation des délais de couverture, la recette a fini par convaincre Orange, SFR, Bouygues et Free, qui devraient être tous les quatre au rendez-vous de la 4G sur la ligne A du métro de Rennes au mois de juillet. Pour les usagers en mal de réseau, plus que quelques semaines à attendre...
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