Voilà une affaire qui sort de l'ordinaire. En général, quand on parle des réseaux mobiles, cela peut paraître rébarbatif. Pas cette fois. Car vous allez le voir, cette histoire ressemble presque à un thriller dans l'univers des télécoms !
Drôle d'affaire dans les Caraïbes
Nous sommes le 3 mars 2023, quand l'antenne de l'ANFR dans les Antilles-Guyane est alertée par l'opérateur Orange Caraïbe pour une bizarrerie : le terminal de croisière de la Pointe Simon, à Fort-de-France, en Martinique, subit un brouillage important. La conséquence : ses services de téléphonie et d'internet mobile en 3G sont très largement perturbés dans la bande 1920-1930 MHz.
L'affaire est sérieuse. Car nous sommes en pleine saison touristique et les terminaux de paiement par carte bancaire sont en croix. Pire : les appels d'urgence risquent de ne pas passer... Le Procureur de la République est saisi. c'est dire si l'affaire est sérieuse.
Au début de leur enquête, les limiers de l'ANFR n'ont que les constations de l'ANFR :
- le brouillage est centré autour du terminal de croisière.
- les horaires de brouillage correspondent à des mouvements de navire.
Étrange ! Pas tant que ça pour les enquêteurs de l'ANFR qui demandent immédiatement à consulter le registre des navires de la capitainerie, qui recensent tous les bateaux entrants et sortants. Et constatent que le brouillage de la 3G intervient à chaque fois qu'un même bateau rentre au port et s'arrête quand il repart.
Quelque jours plus tard, le dit bateau est justement attendu au terminal de croisière de la Pointe Simon. À son arrivée, un enquêteur de l'ANFR monte à bord du navire battant pavillon étranger. Rapidement, grâce à son analyseur de spectre, il détecte le signal perturbateur. Reste maintenant à en identifier le responsable. là encore, ça ne sera pas long. C'est le réseau Internet sans fil qui permet aux membres d'équipage de communiquer entre eux à bord du bateau qui est en cause.
Pourquoi ce brouillage ?
La réponse est très simple : le fameux réseau internet sans fil, de type DECT, émet lui aussi dans la bande 1920-1930 MHz. D'où le brouillage.
Ce réseau émet en suivant le plan de fréquences usuel pour l'Amérique du Nord. Cela paraît logique, mais ça ne l'est pas. Car la Martinique est un département d'Outre-Mer. Et bien qu'elle soit située dans l'emprise continentale des Amériques, c'est la législation française qui s'applique. À ce titre, elle doit donc suivre un plan de fréquences européen. CQFD.
Or en Europe, la bande 1920-1930 MHz est réservée à la 3G. Et pour les réseaux de type DECT, c'est la bande 1880-1900 MHz qu'il faut utiliser. Une information que l'équipage du navire de croisière ne connaissait visiblement pas.
Pour éviter ce genre de situation rocambolesque, un système DECT peut changer de plan de fréquences à partir des données GPS. Mais pour cela, il faut le programmer. Ce qui n'a pas été le cas dans cette affaire.
Bref, encore une histoire de fréquences résolue par les enquêteurs de l'ANFR.